Sur les berges de l’île Saint-Louis, à Paris, en août 2017. / GUILLAUME BELVÈZE POUR LE MONDE

Anne Hidalgo doit désormais balayer plus méticuleusement devant sa porte. C’est, en substance, la conclusion du rapport de 225 pages qui devrait être remis à la maire socialiste de Paris, jeudi 1er février, par les membres d’une mission d’information et d’évaluation (MIE) réclamée il y a un an par la droite, et intitulé : « La politique parisienne en matière de propreté ».

En tête de l’ordre du jour du prochain Conseil de Paris, du 5 au 7 février, figurent 45 préconisations pour une capitale « enfin propre ». Elles ont été adoptées à l’unanimité par la quinzaine d’élus parisiens de tout bord qui, durant sept mois, ont passé au crible la gestion actuelle de la propreté sous la présidence de Florence Berthout, maire Les Républicains du 5arrondissement et présidente du groupe Républicains et Indépendants. Le 5 février, ces pistes de travail seront débattues avant d’être soumises au vote.

« Nous sommes à peu près d’accord sur le constat de défaillance, mais nous ne le serons pas sur le dimensionnement des moyens à déployer pour que cela s’améliore, prédit Florence Berthout. La gauche a considéré pendant des années la propreté comme une exigence bourgeoise et, aujourd’hui, force est de constater que le compte n’y est pas et qu’il faut un plan d’urgence. »

« Moins salir », « mieux nettoyer » et « mieux évaluer et organiser les ressources », tels sont les trois axes de travail fixés par la MIE. Ils se déclinent en une série de propositions suggérant aussi bien de « responsabiliser » les Parisiens en affirmant le principe du « salisseur-payeur », que d’intensifier la répression des comportements inciviques en instaurant la vidéo-verbalisation pour lutter contre les dépôts sauvages, ou de dépénaliser les amendes de propreté afin de permettre à la Ville d’en augmenter le montant, notamment en cas de récidive.

Reconnaître la pénibilité

Il est également question d’adapter le nettoyage aux rythmes de vie des Parisiens en élargissant les horaires d’après-midi et de soirées en fonction de l’utilisation de l’espace public, notamment en été ou le week-end. La MIE avance encore la nécessité de réorganiser les ressources humaines en simplifiant la chaîne managériale tout en assurant une meilleure coordination entre les services de la ville par l’entremise d’un service.

Cette orientation permettrait de lutter contre l’absentéisme au sein de la direction de la propreté et de l’eau qui s’élève à 13,3 % chez les éboueurs – jusqu’à 20 % dans les 5e et 6arrondissements – et de remobiliser les agents en valorisant leur travail et en leur proposant des plans de carrière prenant en compte la pénibilité.

La MIE insiste enfin sur la nécessité d’améliorer les moyens matériels en augmentant le budget dévolu à la mécanisation, en acquérant du matériel « testé par les agents » et respectant la « spécificité géographique » de chaque arrondissement.

La présentation – médiatisée – par Anne Hidalgo, le 23 janvier, d’un échantillon des quelque 170 véhicules de nettoyage flambant neufs et fonctionnant à l’électricité ou au gaz naturel, en renouvellement de la flotte vieillissante d’engins diesel, a laissé Florence Berthout sceptique.

« Il faudra voir à la fin de l’année si toutes les machines promises ont bien été commandées, si elles ont été livrées, et comment elles seront réparties, dit la maire du 5e arrondissement. La lutte contre le réchauffement climatique est une priorité absolue, mais quand on annonce la fin de l’utilisation du diesel pour 2020 puis pour 2024, il faut tirer les conséquences financières que cela impose, ce qui n’a pas été fait. » Et de rappeler que, depuis 2010, le nombre d’aspiratrices de trottoirs a chuté de 275 à 248, soit d’environ 10 %, et qu’un quart du vétuste parc des véhicules de propreté était immobilisé en permanence par des opérations de maintenance ces dernières années.

« Absence d’anticipation »

Dénonçant une « baisse récurrente » des moyens financiers et humains, Florence Berthout décoche une implacable arithmétique : « Depuis 2001, l’espace public parisien a augmenté de près de 30 %, ce qui multiplie les surfaces à nettoyer, et plus de 100 000 personnes supplémentaires y circulent, alors que le budget consacré à la propreté est passé de 149 millions d’euros en 2001 à 133 en 2016, soit une diminution de 11 % en euros constants. »

Et les renforts de 200 agents de propreté entre 2016 et 2017 sont « loin de compenser » les 1 111 emplois du secteur disparus depuis 2001. « Dans le même temps, les effectifs de la Ville ont augmenté de 50 %, ce qui démontre que la propreté n’a pas été une priorité », conclut Mme Berthout, pour qui « la caricature de l’absence d’anticipation de la maire s’illustre dans le grave problème de prolifération des rats dans Paris ».

Le thème de la propreté revient comme une antienne dans la liste des griefs adressés à Mme Hidalgo depuis son arrivée à l’Hôtel de Ville en 2014. Ses adversaires politiques ironisent sur le fait qu’elle a, depuis, soumis pas moins de « trois plans de propreté » au vote du Conseil de Paris. Le 5 février, avant de laisser les groupes politiques faire leurs observations sur les préconisations de la MIE, la maire effectuera une communication pour défendre sa gestion.

Mao Péninou, son adjoint (La République en marche) à la propreté, invoque des « restructurations » de l’administration de la Ville et des questions de « nomenclatures ». Il considère les calculs de la MIE inexacts : « On a davantage d’éboueurs qu’en 2001 mais beaucoup moins d’égoutiers », affirme-t-il.

Corbeilles et PV

Il concède en revanche qu’il y a « trois ou quatre points à gagner » sur le taux d’absentéisme des agents « grâce à la modernisation des outils, à la modification des rythmes de travail et à une meilleure formation de l’encadrement ». Il reconnaît aussi une « vraie question “rats” » liée à la nourriture disponible dans l’espace public, en dépit de la dotation de 1,5 million d’euros votée en 2017 pour lutter contre leur prolifération. Il promet, d’ici la fin 2018, le remplacement d’une partie des corbeilles de rue situées sur les quais, dans les parcs et près des marchés alimentaires par des poubelles opaques, fermées et inaccessibles aux rongeurs.

La verbalisation des incivilités semble également porter ses fruits. Environ 110 000 PV à 68 euros ont été dressés en 2017 pour jets de mégots, déjections canines et autres épanchements d’urine – en hausse de 149 % en un an.