Deux des chantiers sociaux lancés par le gouvernement semblent sur le point de reprendre un cours normal, après avoir été perturbés par les dissensions qu’ils soulèvent entre l’exécutif, les élus régionaux et une partie du monde patronal. Mardi 30 janvier, le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ont annoncé, chacun de leur côté, leur retour dans la négociation consacrée à la réforme de la formation professionnelle : les deux organisations d’employeurs avaient cessé de prendre part aux discussions pour manifester leur mécontentement à propos d’un autre dossier, celui de la transformation de l’apprentissage.

Les différends résultent des changements qui se dessinent au niveau du pilotage du dispositif. A la fin de l’automne 2017, les conseils régionaux avaient dit qu’ils étaient contre l’idée, défendue par l’exécutif, de confier aux branches professionnelles la gouvernance de l’apprentissage – et les financements qui vont avec.

Reçus à Matignon à la mi-janvier, les représentants des exécutifs régionaux avaient prétendu avoir finalement obtenu des concessions, notamment en conservant la possibilité de s’opposer à l’ouverture d’un centre de formation des apprentis (CFA) si celui-ci propose les mêmes cursus qu’un lycée professionnel situé à proximité. Un épisode que le Medef et la CPME n’avaient pas digéré, y voyant le signe d’un « flottement » de l’exécutif sur une dimension majeure de la réforme.

Contrats d’objectifs et de moyens

Depuis, les tractations se sont poursuivies, laissant entrevoir la possibilité d’un compromis. Selon nos informations, qui recoupent celles déjà évoquées par Les Echos, le gouvernement envisage d’instaurer, de façon systématique, des contrats d’objectifs et de moyens : ils seraient signés par les régions ainsi que par les branches professionnelles et auraient pour objet d’organiser l’offre de formation sur les territoires, de caler le niveau des subsides alloués aux CFA…

« Il ne s’agit pas de recréer un système administratif, précise-t-on dans l’entourage du premier ministre. Notre objectif est de passer à un système dans lequel les acteurs qui souhaitent développer une offre d’apprentissage pourront le faire, sans être tributaires d’autorisations préalables comme aujourd’hui. »

Les conseils régionaux pourraient, par ailleurs, être impliqués dans le contrôle de la qualité des centres de formation ; ils garderaient, de surcroît, une fraction du produit du prélèvement, susceptible de remplacer la taxe d’apprentissage, pour financer tout ce qui a trait aux dispositifs en alternance.

« Améliorer » la lisibilité du système

Preuve que le climat paraît se détendre, la CPME et l’association Régions de France ont diffusé, mardi, un communiqué affichant une « position commune » sur les « axes » qui doivent être suivis : mettre en place des « conventions d’objectifs et de moyens » (ce qui correspond à une des pistes étudiées par le gouvernement), financement du système en fonction du nombre de contrats d’apprentissage signés, etc.

C’est un texte « d’équilibre », se réjouit David Margueritte, le représentant de l’association Régions de France chargé du dossier, qui réaffirme la nécessité d’une « régulation publique ». Cependant, plusieurs points restent à « régler », confie le président de la CPME, François Asselin, notamment au niveau de la « péréquation entre les branches professionnelles » qui ont beaucoup de moyens et celles qui en ont peu.

Cette démarche a été rendue publique au moment même où était dévoilé le rapport présentant la « synthèse de la concertation » engagée en novembre 2017 sur l’apprentissage. Coordonnée par Sylvie Brunet, présidente de la section travail au Conseil économique, social et environnemental, cette réflexion débouche aujourd’hui sur 44 propositions, dont plusieurs visent « à améliorer » la lisibilité du système pour les « jeunes et [leurs] familles » (instauration d’une « journée obligatoire d’information sur les métiers » en classe de 4e et de 3e, action de « sensibilisation » en direction des enseignants…).

Le rapport préconise aussi de lever des « freins réglementaires », en particulier en rendant l’apprentissage « accessible à tout âge ».

Suppression de la limite d’âge

Pour Michel Beaugas (FO), les recommandations de Mme Brunet font la part belle aux desiderata du patronat. Plusieurs points l’irritent, parmi lesquels la suppression de la limite d’âge pour intégrer un cursus d’apprentissage. « Quand un adulte veut se former, déclare-t-il, il n’a pas besoin d’entrer en apprentissage puisqu’il existe un autre système : la formation professionnelle pour les salariés et les demandeurs d’emplois. »

Catherine Perret (CGT) se montre, elle aussi, très critique : « Nous sommes défavorables à cette mesure sur l’abolition de la limite d’âge car l’apprentissage doit rester de la formation initiale. Il y a d’autres dispositifs plus adaptés aux adultes. Ce qui se joue ici, c’est baisser le salaire et faire de la formation ciblée sur des tâches au gré des besoins des entreprises, sans reconnaissance des qualifications. »

Yvan Ricordeau (CFDT) constate, avec satisfaction, que le rapport « met en avant l’enjeu prioritaire de l’accompagnement des apprentis et de la revalorisation de leur statut ». Il regrette, cependant, que la question cruciale de la gouvernance ne soit pas abordée.