Lors d’une manifestation devant le Parlement catalan à Barcelone, le 30 janvier. / PAU BARRENA / AFP

Alors que Roger Torrent, le président du Parlement catalan, a décidé, non pas d’annuler, mais bien de repousser, mardi 30 janvier, la session d’investiture du président de région, évitant ainsi de désobéir au Tribunal constitutionnel, plusieurs questions se posent. Est-ce le signe que les indépendantistes ne sont plus disposés à braver la Constitution et risquer la prison, comme ils l’ont fait lors de la précédente législature ? Ou M. Torrent ne fait-il que reculer pour mieux sauter ?

Pour Junts per Catalunya (JxC, Ensemble pour la Catalogne), la liste de Carles Puigdemont, il n’y a qu’un candidat possible : Carles Puigdemont. « Il n’est pas question d’y renoncer, de plier devant Madrid et trahir le mandat populaire, assure un proche de Carles Puigdemont à Barcelone. Si ERC (la Gauche républicaine de Catalogne) ne veut pas le comprendre, nous sommes prêts pour de nouvelles élections. Non seulement nous n’avons pas peur des urnes mais nous sommes convaincus que nous renforcerions notre résultat… »

Un autre candidat possible ?

Convaincus qu’ERC cherchera à éviter à tout prix un nouveau scrutin qui pourrait les affaiblir, les dirigeants de JxC ont décidé de faire pression sur le président de la chambre pour l’obliger à braver l’arrêt du Tribunal constitutionnel et soumettre la candidature de M. Puigdemont au vote de la chambre au plus vite. « Ils veulent défier l’Etat et M. Torrent pourrait s’y risquer, mais il ne souhaite pas entraîner avec lui la moitié du bureau du Parlement et les députés qui se trouvent actuellement en liberté conditionnelle, » assure un responsable d’ERC.

Un autre scénario, pour le moment resté en arrière-plan, pourrait se profiler dans les prochains jours : que les indépendantistes se mettent d’accord sur un autre candidat. Quitte à ce qu’il ne soit qu’une marionnette ou un porte-voix de M. Puigdemont, qui conserverait la « présidence légitime » et le pouvoir réel, tout en restant à Bruxelles.

« Campora au gouvernement, Peron au pouvoir »

Cette possibilité a un nom : le scénario Campora. En 1973, l’Argentin Hector José Campora avait en effet remporté la présidence du pays après avoir été désigné candidat par Juan Domingo Peron, afin de contourner l’interdiction de se présenter aux élections qui pesait sur lui. Le thème de la campagne était alors « Campora au gouvernement, Peron au pouvoir. » Néanmoins, pour JxC, cette option ne serait éventuellement valable qu’après l’investiture de M. Puigdemont. Car personne ne doute que si l’ancien président catalan est réélu, il ne le restera que quelques heures tout au plus. Le temps que le Tribunal constitutionnel annule la session parlementaire. Et qu’il faudra bien, alors, trouver une solution pour mettre fin à la mise sous tutelle de la région par le gouvernement de Mariano Rajoy.

Avant l’un ou l’autre de ces dénouements, il n’est pas à exclure que le blocage actuel perdure dans le temps. Car si le règlement fixe un délai limite de 10 jours après la constitution du Parlement catalan pour procéder au premier débat d’investiture, il n’explique pas ce qui se produit passé ce délai… Or ERC ne veut pas apparaître comme le traître qui enterre Puigdemont et se soumet à Madrid. JxC, encore moins.