Le président français, Emmanuel Macron, lors d’un discours devant les représentants de l’industrie agroalimentaire, au marché international de Rungis (Val-de-Marne), en octobre 2017. / FRANCOIS MORI / AFP

La Commission européenne serait prête, selon les informations du Monde, à relever son offre sur les quotas de bœuf que les pays du Mercosur pourraient exporter chaque année vers l’Union européenne (UE) dans le cadre du futur accord de libre-échange actuellement en négociation.

Bruxelles n’a pas déposé sur la table une proposition formelle lors de la visite des ministres des affaires étrangères de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay, mardi 30 janvier, mais réfléchit à la possibilité d’une ouverture du marché européen à près de 100 000 tonnes annuelles de viande sud-américaine. La Commission n’a pour l’heure ­confirmé aucun chiffre.

Le sujet est très délicat en France, où la filière bovine, déjà fragilisée, redoute d’être submergée par des produits concurrents à moindre prix. La précédente offre européenne, en octobre 2017, était de 70 000 tonnes de bœuf par an.

Elle avait été jugée largement insuffisante par certains Etats membres du Mercosur, en particulier l’Argentine et le Brésil, pour lesquels cette viande représente l’un des principaux produits d’exportation à valeur ajoutée.

Tractations « constructives »

Les Européens attendaient en retour des concessions sur leurs exportations de lait, de fromage et de vin, ainsi que des baisses de droits de douane plus substantielles sur les voitures et leurs pièces détachées. Les parties finiront-elles par s’entendre ? L’UE et le Mercosur veulent profiter du retrait relatif des Américains des grands accords mondiaux pour resserrer leurs liens et intensifier leurs échanges.

Cependant, le temps presse. Ils doivent s’entendre d’ici à la fin mars, avant le début de la campagne pour l’élection présidentielle au Brésil. Sinon, la possibilité d’un accord sera reportée à mi-2019, dans le meilleur des cas. Les tractations, mardi, ont été « constructives », avançait-on à la Commission. Elles reprendront dès vendredi.

L’intensification des discussions n’est pas étrangère au revirement français. En octobre, Emmanuel Macron avait fermement réagi quand Bruxelles avait voulu passer à la vitesse supérieure, réclamant même une « pause ».

« Je ne suis pas favorable à ce que nous nous précipitions pour négocier un accord avec un mandat de négociation donné en 1999 », avait déclaré le président de la République, à l’issue d’une visite à Rungis (Val-de-Marne).

« Reniement du président de la République »

Le ton a changé. « Nous partageons la même vision stratégique sur cet accord entre l’Union européenne et le Mercosur, qui peut être bon pour les deux parties et qu’il est pertinent d’essayer de finaliser rapidement dans le contexte géopolitique actuel », a souligné M. Macron le 26 janvier, lors de la visite à Paris du président argentin, Mauricio Macri. Le lendemain, il recevait à l’Elysée Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, le Mercosur étant de nouveau au menu.

Le chef de l’Etat s’est-il laissé convaincre ? A Paris, on souligne que s’il n’est pas question d’affaiblir la filière élevage, il faut considérer les marchés – turc, chinois – qui s’ouvrent à elle. D’aucuns insistent aussi sur les avantages considérables pour la France d’un accord avec le Mercosur : accès aux marchés publics, reconnaissance des indications géographiques, etc.

La Commission, mais aussi Berlin, Rome et les pays très enclins au libre-échange (la Suède, le Benelux…) poussent en faveur d’un accord et avaient fraîchement accueilli les réserves françaises à l’automne. Mardi, dans un communiqué, l’eurodéputé socialiste français Eric Andrieu a accusé le président de s’être « d’ores et déjà couché devant l’Allemagne ».

Ce qui est sûr, c’est que si Bruxelles conclut avec le Mercosur – avec la bénédiction de Paris et des autres pays membres –, M. Macron aura fort à faire pour ­convaincre les éleveurs français. D’autant qu’à l’instar du reste du monde agricole, ceux-ci s’inquiètent d’une réforme complète de la politique agricole commune (PAC) promise par Bruxelles à la fin du printemps. « Jusqu’où ira le reniement du président de la République sur ce sujet ? », s’emportait mardi la Fédération nationale bovine.