A Clairlieu, lotissement pavillonaire de Villers-lès-Nancy, les chantiers de rénovation énergétique des maisons sont participatifs : des bénévoles du quartier prennent part aux travaux, aux côtés de professionnels. / Clairlieu Eco Défi

Une entreprise de rénovation créée par les habitants pour les habitants. Il y a huit ans, les résidents du lotissement de Clairlieu, à Villers-lès-Nancy, ont décidé de se regrouper afin d’entreprendre, ensemble, la rénovation des pavillons de leur quartier.

Les 1 328 pavillons de ce lotissement sis dans la banlieue ouest de Nancy ont été construits au début des années 1970, avant les premières réglementations thermiques. Conçus en béton, « ce sont de véritables passoires énergétiques, lâche Marie-France, 67 ans, qui habite le quartier depuis quarante-cinq ans. L’hiver, on a beau chauffer, une humidité froide vous tombe en permanence sur les épaules ».

Marie-France Robert et son mari sont un des premiers ménages du lotissement à s’être lancés dans une rénovation de fond en comble de leur pavillon. Un investissement de plusieurs dizaines de milliers d’euros qu’ils ne regrettent pas. Ils apprécient d’avoir désormais une température agréable et homogène dans toute leur maison et en toute saison. Et d’avoir divisé par un peu moins de sept leur facture énergétique (passée de plus de 2 000 € à 300 € par an).

Car, à Clairlieu, on ne fait pas les choses à moitié. Portes et fenêtres, façades, toiture, système de chauffage et de ventilation : les pavillons sont entièrement rénovés, avec l’objectif d’atteindre la norme BBC, bâtiment basse consommation.

Matériaux biosourcés

Tout a commencé à la fin de 2009 lors de conférences sur le solaire et les économies d’énergie organisées par la commune de Villers. Alors que, pour la troisième année de suite, le prix du gaz avait augmenté de 10 %, les habitants comprennent vite l’intérêt de la rénovation. Une petite centaine se regroupe en association, baptisée « Clairlieu Eco Défi », et se met à plancher sur les meilleures solutions pour rendre leurs demeures – toutes identiques ou presque – moins énergivores.

« Les discussions ont donné lieu à des débats animés, souvent houleux. Atteindre la norme BBC signifiait un investissement non négligeable, on s’est évidemment demandé si on pouvait procéder par étapes », ne cache pas Christiane Beuvelot, autre retraitée. Hormis quelques désistements, le groupe résiste et finit par être convaincu que, pour qu’un pavillon consomme le moins possible, il faut qu’il soit parfaitement isolé. Les associés vont même jusqu’à choisir des matériaux d’isolation biosourcés, générant le moins d’énergies grises possible : pour les façades, de la ouate de cellulose, fabriquée à partir de journaux recyclés, et, pour la toiture, de la laine de bois, qui stocke le CO2.

Sauf que, au terme d’un an de réflexion, les premiers devis refroidissent les ardeurs. « Là, on s’est dit qu’on allait le faire nous-mêmes, résume Francis Latour, habitant de Clairlieu et professionnel de l’optimisation énergétique. Et nous avons créé une société coopérative d’intérêts collectifs », la SCIC Clairlieu Eco Rénovation Solidaire.

En août 2011, la quarantaine d’habitants ayant décidé d’investir dans la SCIC se lancent alors dans la rénovation d’un premier bâtiment, aidés d’un charpentier et d’un architecte. Un chantier qu’ils mènent de bout en bout, et qui leur prend… deux ans. « C’est énorme, reconnaît Francis Latour. Mais cela nous a permis de mettre tout le processus au point. Aujourd’hui, nous sommes capables de faire une rénovation en huit semaines. »

Un des 11 pavillons déjà entièrement rénovés dans le quartier de Clairlieu, à Villers-lès-Nancy. Sur son toit, des panneaux solaires thermiques chauffent désomais l’intérieur, complétés par une chaudière aux copeaux de bois. / Clairlieu Eco Défi

Chantier participatif

Désormais, l’enveloppe isolante des pavillons rénovés arrive en kit sur le chantier, sous forme de caissons préfabriqués qu’il suffit d’assembler. Les sociétaires ont fini par trouver un industriel qui les leur fabrique, et une petite dizaine d’entreprises, locales – « pour que les retombées en termes d’emplois profitent au territoire » – qui se chargent de la partie technique de la rénovation. Pour autant, les chantiers restent participatifs : des bénévoles prennent part aux travaux.

A ce jour, 11 pavillons ont été rénovés selon les règles définies par la coopérative. Quatre sont en projet. De son côté, l’association organise, en partenariat avec l’agence locale de l’énergie et du climat (ALEC), des balades thermographiques, très suivies par les habitants du quartier.

Mais tous ne franchissent pas le pas. S’engager dans une rénovation complète revient aujourd’hui entre 100 000 et 150 000 euros. « C’est un investissement sur dix ou quinze ans, reconnaît Marie-France Robert. Mais le gain en confort est immédiat. Et on ne paie quasiment plus rien après en chauffage. » Et Francis Latour d’insister : « Le fait de se regrouper nous permet de mutualiser les études de conception et les achats de matériaux. Et, avec la SCIC, nous maîtrisons toute la chaîne des travaux, nous pouvons ainsi garantir le résultat. »

Acte militant

Il n’est pas donné à tous de pouvoir débourser une telle somme, même si l’association Clairlieu Eco Défi accompagne les postulants dans l’élaboration de leur plan financier. « Aujourd’hui, s’engager dans une rénovation complète de son pavillon, c’est vraiment un acte militant, avoue Christiane Beuvelot. Nous cherchons à baisser le coût. »

L’initiative de Clairlieu est pour l’instant unique et encore fragile. Ce n’est pas un projet facilement reproductible. Mais la coopérative Eco Rénovation Solidaire a acquis un savoir-faire dans la rénovation des pavillons de béton. Elle est d’ailleurs sollicitée par des collectivités de la région dotées d’un parc de ces maisons énergivores.

La ville et l’habitat durables seront au centre d’une rencontre du Monde organisée à Nancy, mardi 13 février, de 8 h 30 à 10 h 30. Inscriptions ici.