Départs volontaires, davantage de contrats, rénovation du statut de fonctionnaire, rémunération au mérite… Le gouvernement a présenté, jeudi 1er février, ses pistes de réforme de la fonction publique. Tour d’horizon, en cinq questions, de ce plan à propos duquel le premier ministre, Edouard Philippe, a prévenu : « Nous n’avons aucun doute sur le fait que nous puissions heurter la sensibilité ou les équilibres auxquels certains se sont habitués. »

  • Pourquoi continuer à réduire le nombre de fonctionnaires ?

Pour contribuer à réduire la dépense publique. C’est l’argument avancé, depuis plusieurs années, par plusieurs gouvernements successifs. Alors que la France a laissé filé sa dette – elle atteint presque 100 % de la richesse produite (PIB) – le niveau de la dépense publique est très élevé : 56 % du PIB, dont une grande part consacrée au traitement des agents publics.

L’organisme de réflexion France Stratégie, dans une étude publiée fin décembre, a montré que la France, avec un taux de 90 emplois publics pour 1 000 habitants, se situe dans la moyenne haute. Selon les derniers chiffres officiels de 2014, la France compte 5,5 millions de fonctionnaires.

De 2007 à 2012, la droite a baissé leur nombre de quelque 150 000 personnes. Le mouvement a été freiné par François Hollande. Vainqueur de l’élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron a annoncé qu’il veut supprimer 120 000 emplois publics et baisser la part de la dépense publique dans le PIB de trois points d’ici à 2022.

A droite, on considère que « supprimer 120 000 emplois publics sur le quinquennat est bien trop peu pour alléger la dépense publique », comme l’a déclaré Eric Woerth, président LR de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 2 février. A gauche, on juge que c’est trop : « On a besoin de fonctionnaires. (…) On ne peut pas gérer le service public comme une entreprise ! », a déclaré Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat, ancien ministre de François Hollande.

  • Quel statut le gouvernement veut-il pour la fonction publique ?

Le premier ministre considère qu’il faut « adapter le statut de la fonction publique », « l’assouplir », « faire en sorte qu’il puisse redevenir un cadre efficace pour l’action publique, pas une fin en soi ». « Il faut rendre nos administrations plus véloces, plus agiles et plus armées », a abondé le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt, vendredi sur France Info.

Le constat n’est pas unanime. Les syndicats sont attachés au statut général de la fonction publique. Les bases en ont été posées en 1946. Mais le statut a souvent été retouché. Les dernières grandes lois ont été adoptées de 1983 à 1986.

« Le statut des fonctionnaires n’est pas l’ensemble monolithique et figé que l’on nous dépeint trop souvent », souligne Arnaud Freyder, haut fonctionnaire, dans La Fonction publique (LGDJ, 2013). Conseiller de François Fillon entre 2009 et 2012, il considère que le statut est « un instrument de souplesse » qui « exprime un équilibre nécessaire entre des droits et des obligations particuliers, qui s’attachent inévitablement aux métiers publics ».

Dans l’esprit du gouvernement, assouplir le statut passera par la simplification des instances représentatives du personnel, le renforcement de l’évaluation des agents et du développement de leur rémunération au mérite. Il est aussi question d’accompagner la mobilité et recourir plus fréquemment aux contrats.

  • Augmenter la place du contrat, pour quoi faire ?

« Les possibilités de recourir aux contrats seront largement étendues, a précisé le premier ministre, notamment pour les métiers qui ne relèvent pas d’une spécificité propre au service public. » Dans le domaine du numérique notamment. Le gouvernement souhaite permettre aux directeurs de recruter les meilleurs candidats, indépendamment de leur situation et pour une durée déterminée.

« Il faut admettre que les administrations ne sauraient fonctionner avec leurs seuls agents titulaires, considère Arnaud Freyder. Les processus de recrutement sont souvent longs, les fonctions concernées ne nécessitent pas toujours le recrutement d’un agent pour plus de quarante ans de carrière et les administrations doivent pouvoir faire face à des besoins temporaires. »

La CGT, elle, estime qu’il y a déjà « trop de contrats ». Selon les derniers chiffres officiels, la part des agents publics recrutés sur contrat était de 17,3 % en 2014, soit 940 000 personnes. « On estime qu’en 1946, la proportion des non-titulaires s’élevait déjà à 36 % », selon Arnaud Freyder.

  • Comment le plan de départ volontaire sera-t-il mis en place ?

A ce stade, on ne sait pas. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a précisé que ce plan serait « imaginé avec les agents publics » : « Il ne s’agit pas de faire un plan de départs volontaires pour tout le monde, bien évidemment. Il s’agit d’adapter nos services publics et de le faire avec et pour les agents publics. »

Ce sont les concertations avec les syndicats, qui vont s’engager ce mois-ci et dureront toute l’année, qui permettront de fixer les modalités de l’opération, a expliqué le gouvernement.

Le risque de ces plans est de faire partir des agents qui n’auront aucun mal à trouver un poste dans le privé, ou les cadres, moins bien payés dans le public.

Olivier Dussopt a cherché à temporiser, le 2 février : « Là où il y aura des restructurations, des rapprochements, là où la numérisation, l’évolution des métiers, des technologies, nous amènent à constater qu’il y aurait des sureffectifs, on pourrait proposer aux agents publics concernés cette formule de départs volontaires, mais circonscrits. Ce ne sont pas des plans massifs. »

  • Comment les syndicats vont-ils réagir ?

Mal. Les syndicats sont déjà sur les nerfs. Le contexte est tendu, qu’il s’agisse du mouvement social dans les maisons de retraite ou dans les prisons. Ils n’ont toujours pas digéré le gel du point d’indice et le rétablissement du jour de carence. Par ailleurs, les réponses apportées par le gouvernement à la journée de mobilisation du 10 octobre les ont déçus.

Les neuf confédérations de fonctionnaires se retrouveront le 6 février : CGT, FO et Solidaires veulent une nouvelle journée d’action fin mars ou début avril. La CFDT est plus prudente. Dans un entretien au Monde, Laurent Berger, son secrétaire général, dénonce « un gros problème de méthode », reprochant au gouvernement d’« annoncer une concertation sur toute l’année », mais « de donner dès à présent une partie des conclusions ».

« Il va falloir discuter, encore discuter, et trouver ensemble les points d’atterrissage », constate M. Dussopt, lucide.