« Les plus haut responsables et enquêteurs du FBI et du ministère de la justice ont politisé le processus sacré d’investigation en faveur des démocrates et contre les républicains, ce qui aurait été impensable il y a peu », a tweeté Donald Trump, vendredi 2 février. / AFP

Dossier explosif ou pétard mouillé ? Le président Donald Trump devait autoriser, vendredi 2 février, la publication d’une note confidentielle de la commission du renseignement de la Chambre des représentants sur la manière dont le FBI, la police fédérale états-unienne, a demandé à la justice la mise sur écoute, en pleine campagne présidentielle, d’un membre de son équipe, accusé d’accointance avec Moscou.

Adepte des formules chocs, Donald Trump a accusé le FBI et le ministère de la justice, instrumentalisés, selon lui, par Hillary Clinton et le Parti démocrate, d’avoir politisé l’enquête sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016.

« Les plus hauts responsables et enquêteurs du FBI et du ministère de la justice ont politisé le processus sacré d’investigation en faveur des démocrates et contre les républicains, ce qui aurait été impensable il y a peu. Mais la base [du FBI] est constituée de gens très bien. »
  • Qui est Devin Nunes, l’auteur de la note ?

C’est un élu républicain de la Californie, Devin Nunes qui a élaboré cette note. Il a servi dans l’équipe de transition de Donald Trump et préside la commission du renseignement à la Chambre des représentants.

Il ne s’agit pas d’un inconnu. Après le tweet du 4 mars 2017 de Donald Trump accusant Barack Obama d’avoir mis sur écoute la Trump Tower pendant la campagne de 2016, Devin Nunes avait voulu établir si l’administration Obama avait demandé la mise sous surveillance du candidat républicain pendant la campagne, avant d’admettre qu’il n’y avait pas de preuve de ces écoutes.

Lindsey Graham, sénateur républicain de la Caroline du Sud, avait alors comparé son comportement à celui de « l’inspecteur Clouseau », connu pour accumuler les bourdes et pour s’engouffrer dans les fausses pistes avec une absence de flair qui n’honore ni la gent policière ni la France, estimant qu’il avait perdu toute crédibilité par sa volonté d’obéir aux ordres de la Maison Blanche.

Devin Nunes est accusé d’avoir « délibérément, matériellement modifié la teneur du mémo depuis qu’il a été adopté par les républicains de la Chambre ». / BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

  • Que sait-on du contenu de cette note ?

Son contenu est encore secret. On sait juste qu’elle tient en quatre pages, compilées par l’équipe de Devin Nunes. Ce dernier l’a remise lundi 29 janvier à la Maison Blanche, où des juristes l’ont épluchée pour vérifier si elle porte, ou non, atteinte à la sécurité nationale.

Ce que l’on sait toutefois, à partir d’éléments qui ont filtré dans les médias américains, c’est qu’avec ce rapport, les républicains mettent en doute l’impartialité de l’enquête menée par le FBI sur l’ingérence russe.

Elle est censée mettre en évidence que le FBI et le département de la justice sont des viviers d’opposants à Donald Trump.

La preuve en serait la demande de prolongation de la mise sur écoute de Carter Page, le conseiller aux affaires internationales du candidat durant la campagne électorale, en mars 2017. En juillet 2016, ce dernier s’était rendu à Moscou pour rencontrer des officiels russes, ce qui avait alerté le FBI.

Selon cette note, le FBI et le département de la justice ont demandé cette mise sur écoute en vertu du Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA), qui permet aux autorités fédérales d’espionner des citoyens américains suspectés d’agir comme agents d’un pays étranger.

Mais les deux agences auraient omis de signaler au juge que leur requête se fondait sur le « dossier » Steele, établi par un ancien agent du renseignement britannique recruté par Fusion GPS.

  • Quelles réactions la divulgation des éléments de cette note a-t-elle déjà suscitées ?

Pour les élus démocrates, Devin Nunes a rédigé un dossier à charge, à partir d’informations secrètes, qui pourraient menacer la sécurité nationale.

Pour y répondre, les membres démocrates de la commission ont écrit un contre-rapport, mais la commission du renseignement (treize républicains et neuf démocrates) s’est opposée à sa publication.

Dans une lettre à Paul Ryan, président (républicain) de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, chef de groupe de l’opposition démocrate à la Chambre a écrit :

« On a soumis à notre attention le fait que le membre du Congrès Nunes avait délibérément, matériellement modifié la teneur du mémorandum depuis qu’il a été adopté par les républicains de la Chambre. »

La direction du FBI, qui a d’ores et déjà répliqué en rappelant, mercredi, qu’elle prenait « au sérieux ses obligations [pour obtenir des autorisations d’enquêter] et le respect des procédures », a elle aussi mis en doute le contenu produit par Devin Nunes :

« Comme nous l’avons exprimé lors de notre premier examen, nous sommes très inquiets concernant des omissions matérielles de faits, qui affectent de manière fondamentale l’exactitude du rapport. »
  • Que fera le patron du FBI après la publication de cette note ?

La question qui se pose est désormais de savoir ce que fera Christopher Wray, le directeur du FBI, nommé en juin 2017 par Donald Trump, puis confirmé par le Sénat, après le limogeage de James Comey.

La confiance n’étant plus de mise, la Maison Blanche craint qu’il ne mette sa démission dans la balance, rapporte CNN.

Exposant ses craintes dans le Washington Post, Adam Schiff, principal représentant du Parti démocrate au sein de la commission du renseignement, a estimé que cette note était un prétexte fourni à Donald Trump pour faire le ménage au sein du FBI et du ministère de la justice, en limogeant Robert Mueller, procureur spécial chargé de l’enquête sur les liens éventuels entre des membres de l’équipe de campagne de Donald Trump et les responsables des piratages informatiques, imputés à la Russie, et Rod Rosenstein, ministre adjoint de la justice.

  • Pourquoi les démocrates évoquent-ils un nouveau « massacre du samedi soir » ?

Les démocrates établissent un parallèle entre l’attaque qu’ils accusent M. Trump de mener contre le procureur spécial Mueller et celle qu’avait menée Richard Nixon contre le procureur spécial Archibald Cox.

Ce dernier fut contraint de démissionner le samedi 20 octobre 1973, alors qu’il enquêtait sur le cambriolage visant le Parti démocrate dans l’immeuble du Watergate, à Washington.

Pour montrer leur opposition, le ministre de la justice, Elliot Richardson, et son adjoint, William Ruckelshaus, choisirent alors de démissionner dans une soirée désormais connue comme le « massacre du samedi soir ». L’affaire coûta finalement son poste au président Nixon.