La précarité professionnelle des jeunes sous la loupe du Cereq. / CAMILLE MILLERAND / Campus

Les jeunes Français se seraient-ils habitués à la précarité ? C’est une hypothèse que soulève le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) dans un rapport publié jeudi 1er février. Alors qu’ils sont entrés sur le marché du travail dans un contexte économique dégradé avec un taux de chômage record, les femmes et les hommes de la génération 2010, entrés cette année-là sur le marché du travail, sont pourtant moins inquiets que leurs aînés.

« Comment voyez-vous votre avenir professionnel ? » La question a été posée par le Cereq aux jeunes de la génération 1998 pendant les dix premières années de leur vie professionnelle ainsi qu’à la génération 2010, après trois puis cinq années de vie active. Premier enseignement : une large majorité des deux générations se déclare « optimiste » ; néanmoins, après trois ans de vie professionnelle, ils sont 28 % à se dire inquiets pour la génération 2010, alors que ce n’était le cas que de 16 % pour celle de 1998.

Evolution du sentiment d’insécurité

Mais ce que soulignent les auteurs, c’est l’évolution opposée du sentiment d’insécurité au sein des générations 1998 et 2010 : en effet, l’inquiétude de la génération 1998 ne cesse de croître depuis leur entrée sur le marché du travail, alors qu’ils l’ont intégré dans une période où le taux de chômage des jeunes était relativement bas et décroissant.

Comparativement, la génération sortie en 2010 s’est retrouvée en quête d’un emploi dans un contexte économique plus dur, mais le taux d’inquiets baisse significativement, de 28 % trois ans après leur entrée dans la vie active, à 23 % deux ans plus tard. « Tout se passe comme si les jeunes avaient intériorisé la situation durablement dégradée du marché du travail, et ne s’inquiétaient pas outre mesure de l’absence de perspectives professionnelles qu’elle pourrait impliquer », analysent les auteurs.

Ensuite, la sécurité professionnelle serait une notion relative. Certains jeunes de la génération 2010 « conçoivent l’enchaînement de stages, de contrats aidés et précaires comme un mode » normal « d’intégration au marché du travail », poursuit l’étude. Une situation qui n’est pas acceptée par leurs aînés. Par conséquent, pour la génération 2010, le fait de travailler, même sans contrat stable, pourrait suffire à rassurer nombre d’entre eux.

Les femmes toujours plus inquiètes

Les jeunes sans diplôme sont, sans surprise, les plus inquiets quant à leur avenir, alors que les diplômés d’école d’ingénieurs ou de management sont particulièrement confiants. Toutefois, le diplôme « ne constitue pas (ou plus), la garantie d’un avenir professionnel rassurant », notent les auteurs. « Le sentiment d’insécurité est plus fort chez les docteurs et plus faible chez les titulaires d’un CAP ou d’un BEP que chez les bacheliers technologiques ou professionnels. »

Un certain nombre de facteurs personnels expliquent également « une prédisposition plus ou moins forte à l’inquiétude » vis-à-vis de son avenir professionnel. Ainsi, ceux qui souffrent d’une mauvaise santé ou d’un handicap ou encore ceux qui déclarent avoir vécu une expérience de discrimination à l’embauche sont plus inquiets. Comme les femmes qui se montrent « toujours, quelle que soit leur situation, plus inquiètes que les hommes pour leur avenir professionnel », constatent les chercheurs.

Enfin, l’ancienneté dans une entreprise n’est pas forcément un facteur de sérénité. Une situation stabilisée peut entraîner la crainte de perdre une « situation privilégiée, ou vécue comme telle ». Pour les jeunes, une durée longue passée au même poste peut être également vécue comme une stagnation, sans perspectives : « L’ancienneté refléterait une détérioration progressive des conditions de travail », analysent les auteurs.