Luca Traini a été interpellé sans opposer de résistance. / HANDOUT / REUTERS

La commune italienne de Macerata (Marches, centre de l’Italie), 43 000 habitants, non loin de la côte adriatique, a été marquée par une attaque armée perpétrée par un militant d’extrême droite contre des étrangers, samedi 3 février.

  • Que s’est-il passé ?

Un jeune Italien est accusé d’avoir blessé, samedi, six Africains en tirant des coups de feu à partir d’une voiture qui a sillonné le centre-ville de Macerata pendant deux heures.

Il a été interpellé sans opposer de résistance sur les marches de l’immense monument aux morts de la ville. Après avoir arrêté sa voiture de sport devant l’édifice, il avait eu le temps d’enlever son blouson, puis d’endosser une écharpe tricolore, de faire un salut fasciste et de hurler « Viva Italia ! », a précisé la presse italienne sur la base de témoignages. D’après les policiers, il a vidé deux chargeurs avec un pistolet semi-automatique.

Les médias affirment que toutes les victimes sont des personnes « de couleur ». « Les blessés confirmés sont de nationalité étrangère », a, pour sa part, écrit la police dans un tweet. Selon l’agence de presse Agi, les six blessés, cinq hommes et une femme, sont originaires du Mali, du Ghana et du Nigeria.

  • Qui est l’auteur de l’attaque ?

Le suspect, identifié par les médias sous le nom de Luca Traini, âgé de 28 ans, crâne rasé et tatouage d’inspiration fasciste sur la tempe, avait été candidat en 2017 sous l’étiquette de la Ligue du Nord (parti souverainiste notoirement xénophobe et antieuropéen) à des élections locales dans une commune de la province de Macerata, Corridonia.

Traditionnellement implanté dans les riches régions du nord de l’Italie, dont il revendiquait naguère le détachement du reste du pays, ce parti a opéré ces dernières années un virage stratégique, impulsé par son porte-drapeau Matteo Salvini, renonçant à son discours régionaliste pour adopter une ligne sécuritaire, anti-impôts et anti-immigrés, susceptible de séduire les électeurs de tout le pays.

  • Où en est l’enquête ?

Dimanche, les carabiniers italiens ont révélé qu’une copie de Mein Kampf et un livre d’histoire sur Benito Mussolini ont été découverts chez Luca Traini. Ces publications d’extrême droite, ainsi qu’un magazine sur la jeunesse fasciste ou encore des croix celtiques, ont été trouvées dans une chambre au domicile de sa mère, perquisitionné par la police de Macerata.

Les enquêteurs ont également saisi les ordinateurs du tireur, dans le cadre d’une enquête pour tentative de « massacre aggravé par un objectif raciste ». L’homme doit aussi répondre du chef de « port illégal d’arme ».

Selon la presse dominicale italienne, Luca Traini a spontanément expliqué aux enquêteurs que l’assassinat d’une jeune Italienne de la région – pour lequel les premiers éléments de l’enquête semblant désigner un migrant d’origine nigériane déjà condamné par la justice et sans permis de séjour – avait été le « déclencheur » de son action.

La jeune femme assassinée, Pamela Mastropietro, 18 ans, s’était échappée lundi d’un centre de désintoxication situé à Corridonia, la localité où Luca Traini s’était présenté en 2017 aux élections communales.

Luca Traini a passé la nuit dans une prison de la région, où se trouve également le Nigérian demandeur d’asile soupçonné de l’assassinat de la jeune Italienne.

  • Quelles sont les réactions politiques ?

« Quelqu’un qui tire est un délinquant, abstraction faite de la couleur de la peau », a immédiatement réagi Matteo Salvini, chef de file de la Ligue du Nord, en pleine campagne électorale en vue des législatives du 4 mars. Mais après avoir pris ses distances avec l’auteur présumé des coups de feu, il n’a pas manqué de rejeter la faute sur l’« invasion » migratoire actuellement à l’œuvre, selon lui, en Italie. « J’ai hâte d’arriver au gouvernement pour ramener dans toute l’Italie la sécurité, la justice sociale et la sérénité », a-t-il ajouté. Une « sérénité » à laquelle le dirigeant de la Ligue n’aura pas forcément contribué ces derniers jours, en qualifiant d’« homicide d’Etat » le meurtre de la jeune Italienne.

« Il me semble qu’il s’agit du geste d’un déséquilibré, qui mérite la plus ferme condamnation, mais qui ne peut être considéré comme ayant une connotation politique claire », a, de son côté, jugé Silvio Berlusconi, dont le parti de droite, Forza Italia, est allié à la Ligue de Matteo Salvini.

« La haine et la violence ne nous diviseront pas », a, pour sa part, assuré le chef du gouvernement italien, Paolo Gentiloni. Le ministre de l’intérieur, Marco Minniti, devait présider, quant à lui, un comité provincial de sécurité dans la région des Marches.