Tom Brady en 2018. / Maddie Meyer / AFP

Lorsqu’il foulera la pelouse du stade de Minnesota, dimanche 4 février, le quarterback des Patriots de New England, Tom Brady, deviendra, à 40 ans et cinq mois, le plus vieux joueur de football américain à disputer un Super Bowl. Son objectif sera de battre les Eagles de Philadelphie et devenir le plus vieux à en remporter un, après avoir été le plus jeune à le faire, dix-sept ans plus tôt.

Quelques records de plus pour un joueur qui en a pulvérisé bien d’autres au cours de sa carrière. Dans un sport aussi codifié que le football américain, où chaque joueur a un rôle précis à jouer dans une équipe, les performances sont constamment mesurées. Établir des classements objectifs, accompagnés de débats pour savoir qui est meilleur qu’un autre, est monnaie courante. Mais peu importe les critères, Tom Brady en ressort toujours comme le meilleur joueur de football américain de tous les temps.

Domination individuelle et collective

Il y a d’abord cette domination individuelle dans un sport éminemment collectif. Brady est le quarterback à avoir le plus gagné de matchs (223), à avoir disputé (8) et remporté (5 pour l’instant) le plus de Super Bowls. Il détient à peu près tous les records qu’il est possible d’avoir en playoffs. Ses deux titres de meilleurs joueurs de la saison (MVP) datent de 2007 et 2010. Huit ans plus tard, il est très probable qu’il en remporte un troisième.

Il y a ensuite celle de son équipe. Les Patriots se distinguent par leur longévité, dans un sport où le système fait tout pour que les équipes médiocres puissent devenir meilleures et les meilleures ne pas le rester éternellement. Sur les 17 dernières années, ils ont remporté 15 fois leur division, sont apparus 12 fois en finale de leur conférence, et ont donc remporté cinq fois le Super Bowl (2001, 2003, 2004, 2014, 2016). Auparavant, ils n’en avaient remporté aucun en 30 ans. Une domination remarquable ternie seulement par deux scandales sportifs - des signaux adverses enregistrés en 2007 et le fameux « DeflateGate » en 2017.

Avec Bill Bellichick, le coach emblématique qui a façonné la glorieuse destinée de cette franchise, ils sont les deux constantes chez les Patriots. Mais si le premier avait déjà une belle carrière derrière lui avant d’arriver dans le Massachusetts, personne ne pouvait se douter que le jeune quarterback californien arrivé de nulle part allait réussir si brillamment, ni durer aussi longtemps.

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Une carrière à la durée inédite

Tom Brady en 2004. / Andy Lyons / Getty Images/AFP

Selon une récente étude, la durée moyenne de la carrière d’un joueur de la NFL est d’un peu plus de deux ans et demi, alors qu’elle était de près de 5 ans en 2014. Pour un quarterback, elle a baissé de moitié, passant de 6 ans à 3 ans. Celle de Tom Brady dure depuis dix-sept ans et il n’y a aucune baisse de productivité à l’horizon. Il vient de signer une des meilleures saisons de sa carrière et professe désormais son envie de continuer à jouer jusqu’à ses 45 ans.

Pour Jean-François Toussaint, directeur de l’Institut de recherche médicale et d’épidémiologie du sport (Irmes) et un des auteurs de L’homme peut-il accepter ses limites ?, une telle durabilité, accompagnée de performances de très haut niveau, s’explique en partie par les exigences particulières de son poste. « Le quarterback est avant tout un distributeur de jeu. Il peut être taclé, mais sa protection reste indispensable à l’équipe », nous dit-il.

« C’est un poste où certaines caractéristiques, comme la vitesse de pointe ou la force pure, ne sont moins importantes que la vision du jeu, la compréhension de l’évolution stratégique de l’adversaire ou la lecture d’un environnement. Ces caractéristiques se nourrissent de la capacité intellectuelle du joueur et de son expérience. Elles augmentent avec le temps ».

Il place Tom Brady dans un groupe restreint « d’athlètes d’exception » qui ont eu des carrières anormalement longues et performantes, avec Roger Federer et Didier Cuche, qui a skié professionnellement pendant 19 ans.

Les trois hommes, souligne-t-il, ont aussi pu atteindre ce stade car aucun n’a souffert de blessure grave sur la partie du corps qu’ils utilisent le plus, en l’occurrence pour Brady « l’épaule, qui est l’élément le plus important pour lui ». La plus grave blessure qu’ait connu Brady était une rupture des ligaments croisés qui l’a éloigné des terrains pendant toute la saison 2008.

Électrolytes, étirements et mysticisme

Brady, lui, préfère expliquer sa longévité par un mélange de travail acharné, d’une bonne hygiène de vie, et de « positive thinking ». Une méthode - déposée sous le nom de « TB12 Method »- qu’il perfectionne depuis des années avec son coach personnel devenu associé, Alex Guerrero. Les techniques qui ont permis à Brady de devenir ce qu’il est sont vendues au grand public via des livres et des « centres de thérapie sportive » grâce auxquels chacun peut suivre la routine du quarterback : boire énormément d’eau avec des électrolytes conçus par « TB12 », faire des étirements estampillés « TB12 » ou dormir avec des « vêtements de rétablissements en céramique ».

Du marketing comme en font tous les athlètes de haut niveau, mais que Brady incarne lui-même parfois à outrance. Sa méthode lui a valu des critiques, notamment de médecins qui disent que si elle est effectivement saine, elle ne garantit pas les mêmes résultats à tous ceux qui la pratiqueront, ni qui achètent les produits qu’elle exige. Pour leur répondre, Brady évite le fond et se contente, comme dans l’introduction de son livre, de dire : « Si vous voulez une preuve que la TB12 Method fonctionne, regardez-moi ». Et va jusqu’à prendre des accents presque mystiques en disant qu’il se sent « en mission » pour « inspirer un mouvement ».

Dans un article consacré aux tensions internes des Patriots, dues en partie au prosélytisme de Brady auprès de ses coéquipiers pour qu’ils adoptent sa méthode, ESPN voit dans l’attitude du quarterback « une façon d’étendre sa marque au-delà du football américain, et au-delà des Patriots ». Faire de sa longévité sa marque de fabrique est une façon, pour l’inusable quarterback des Patriots, de dépasser un sport où il a tout gagné et qu’il ne pourra pas pratiquer éternellement.

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