Documentaire sur Arte à 22 h 50

Sa silhouette massive, ses soixante-dix films, son bagout, sa présence à l’écran et sa droiture en ont fait une icône du cinéma français. Un mec bien, dans son métier comme dans la vie. Mais le plus passionnant dans ce documentaire consacré à Lino Ventura (1919-1987), au-delà des témoignages de prestigieux camarades de plateau, qu’ils soient réalisateurs ou acteurs, concerne sa vie d’avant le cinéma, un métier qu’il ne débutera qu’à 34 ans.

Avant que Jacques Becker ne le repère et que Jean Gabin ne l’adoube dans Touchez pas au grisbi (1954), le petit « macaroni » débarqué d’Italie en France à 7 ans connaît plusieurs vies. Fils unique élevé par une mère dont le mari a fui le foyer conjugal, Angiolino connaît la faim, les brimades, le racisme dans la France des années 1920 et 1930. « La cruauté des enfants est effrayante », se rappelle-t-il, face caméra.

De Montreuil à Pigalle en passant par le 10e arrondissement de Paris, Lino découvre la vie, travaillant dès l’âge de 9 ans comme vendeur de journaux, groom, mécanicien ou représentant. « J’étais une petite bête sauvage », dit-il. Passionné de cinéma, il peut enchaîner huit séances en une journée. Mais, avant le septième art, c’est la lutte qui lui permettra de sortir de la précarité et de canaliser sa violence.

Lino Ventura dans « Le Silencieux ». / © GAUMONT

A 17 ans, il intègre un club, devient champion de lutte gréco-romaine. Et rencontre la femme de sa vie, Odette Lecomte, avec laquelle il aura quatre enfants. Pendant la guerre, il est incorporé dans l’armée italienne, transporte du matériel dans le Monténégro avant de déserter au bout de dix-huit mois. Il rentre à Paris, se réfugie dans le Maine-et-Loire. Sa vie est déjà un film. Après la guerre, le voilà représentant en layette le jour, catcheur le soir. Mais, à 30 ans, une jambe fracturée met un terme à sa carrière.

La suite, ce sont ses rencontres avec Becker, Melville, Gabin, Audiard, Lautner, Bourvil, Belmondo, Bardot et tout le gratin du cinéma français. Des films à succès, un talent fou, une timidité inattendue. Et un refus de jouer des rôles de salaud. Pourquoi cette autocensure ? « Ventura part du principe qu’il connaît ses limites. C’est faux, il ne les connaît pas. Je suis absolument persuadé qu’on peut lui demander beaucoup », disait de lui Jean-Pierre Melville.

Lino Ventura, la part intime, de Philippe Kohly (France, 2017, 52 min).