A Athènes, le 4 février. / Costas Baltas / REUTERS

« Il n’y a qu’une Macédoine et elle est grecque », scandaient, des drapeaux grecs à la main, les opposants à un compromis avec Skopje, dimanche 4 février, place Syntagma, à Athènes. Dans le défilé, des députés de droite et des membres de l’Eglise grecque côtoient des militants du parti néonazi Aube dorée, mais aussi des citoyens lambda venus des quatre coins de la Grèce en bus. Vingt-cinq ans après le début de la crise diplomatique entre les deux pays, l’appellation de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine continue de créer des remous en Grèce. Car la Macédoine est aussi le nom de la région de Thessalonique. Et les Grecs refusent que leur voisin des Balkans conserve le même nom.

Selon les organisateurs de la manifestation – principalement des représentants de la diaspora et des membres d’associations religieuses se voulant « apolitiques » –, plus d’un million de personnes étaient présentes, contre 140 000 d’après la police. Deux semaines auparavant, 90 000 personnes selon la police (500 000 selon les organisateurs) avaient défilé à Thessalonique, capitale de la région grecque de Macédoine, terre de Philippe II et de son fils Alexandre le Grand.

Alors que Skopje et Athènes se disaient optimistes, début janvier, et que l’émissaire des Nations unies sur cette question, Matthew Nimetz, affirmait, mardi 30 janvier, à Athènes, que « le moment « [était] venu » de trouver une solution, les partis d’opposition et même les Grecs indépendants, pourtant alliés d’Alexis Tsipras au sein du gouvernement de gauche, ne sont pas prêts à un accord qui comprendrait le mot « Macédoine » dans le futur nom du pays voisin. Et 71,5 % des Grecs s’y opposent aussi, selon un sondage publié samedi par l’université de Thessalonique. Or, le gouvernement grec et le premier ministre macédonien social-démocrate, Zoran Zaev, se dirigeraient vers un nom composé comme « Haute Macédoine » ou « Macédoine du Nord ».

« L’Eglise a un rôle obscur »

Pour Vassiliki Georgiadou, professeure de sciences politiques à l’université Panteion d’Athènes, plusieurs acteurs compromettent une avancée des négociations alors que « le récent changement politique à Skopje, avec un nouveau gouvernement progressiste, était une occasion à saisir pour résoudre ce conflit ». Tout d’abord, estime l’analyste, la Nouvelle Démocratie (parti conservateur), qui « répond à l’appel de son aile droite et pense que sa base électorale veut qu’elle prenne position fermement sur cette question ». En 1992, elle avait déjà divisé le parti puisque Antonis Samaras, premier ministre entre 2012 et 2015, avait formé un parti dissident à cette occasion.

« L’Eglise aussi a un rôle obscur, estime Vassiliki Georgiadou. Au début des négociations, elle avait déclaré qu’elle ne devait pas se mêler des affaires politiques alors que plusieurs métropolites [titre religieux porté par certains évêques] ont ensuite annoncé participer au rassemblement et pris position. »

Reste l’allié au gouvernement Tsipras, le parti nationaliste des Grecs indépendants, qui s’oppose à tout compromis avec Skopje. « Alexis Tsipras devra faire voter un accord par le Parlement. Les Grecs indépendants ne voteront pas pour. Seuls les centristes peuvent lui donner des voix, mais cela paraît très compliqué », constate Mme Georgiadou.

Mais la nouvelle appellation devra aussi être ratifiée à Skopje. « Le premier ministre doit obtenir deux tiers des voix au Parlement pour que le nom soit validé, une mission presque impossible ! », souligne Miltiadis Sarigiannidis, professeur de droit international à l’université Aristote de Thessalonique. Mais même en cas de non-résolution du « conflit du nom », Alexis Tsipras devrait ressortir gagnant. « Pour le gouvernement Syriza, soulever cette question et tenter de la régler, c’est se montrer comme un parti uni et capable de négocier, contrairement à l’image que donne actuellement la Nouvelle Démocratie, son principal adversaire, pour les prochaines élections », constate Ioannis Armakolas, chercheur sur les Balkans à la Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère.

Le soir du rassemblement de dimanche, le cabinet Tsipras publiait un communiqué : « La grande majorité des Grecs, quelles que soient leurs opinions (…), conviennent que les grands problèmes de politique étrangère ne doivent pas se régler par le fanatisme et l’intolérance. » A dix-huit mois des législatives, la campagne semble déjà lancée sur une question d’identité nationale.