Quand Madeline a les cheveux bleus, c’est qu’elle doit poser les pieds au sol avant de pouvoir utiliser son pouvoir. / Matt Makes Games

Celeste est une histoire de montagnes. C’est d’abord la montagne que Madeline, alpiniste amatrice, entreprend d’escalader. Qu’espère-t-elle trouver au sommet de Celeste, mont canadien fantasmé et plein de chausse-trapes ? On le découvrira en cours de route (et à la fin de ce test).

Mais c’est aussi la montagne que le joueur se fait du défi qui l’attend. Sorti le 25 janvier sur PC, PlayStation 4, Xbox One et Switch, Celeste s’est rapidement taillé la réputation d’un jeu difficile, punitif, voire sadique. Au point que l’impératif de précision et d’exigence (bien réel) du titre de Matt Thorson et Noel Berry pourrait risquer de faire oublier aux joueurs distraits qu’il s’agit avant tout d’une œuvre sensible et d’une inventivité folle.

Celeste – Nintendo Switch Trailer
Durée : 01:17

Le Canadien Matt Thorson n’est pas un inconnu. La poignée de propriétaires de Ouya, console Android, mort-née aux ambitions déçues, se rappellent avec émotion de son Towerfall, premier jeu commercial et premier sommet, qui a, depuis, remplacé l’immortel Bomberman dans le cœur des gameurs les plus avertis. Mais après cette expérience multijoueur, c’est avec un jeu pensé uniquement pour les joueurs solitaires, adeptes de la plate-forme exigeante, que M. Thorson revient.

De Towerfall, il reprend d’abord la prise en main. C’est tant mieux : le jeu était déjà un bonheur à la manette, une mécanique de précision, tout particulièrement réjouissante dans son usage des dashes, sortes de glissades en l’air.

Dans Celeste, ce « deuxième saut » permet de zigzaguer dans les airs et de traverser des tableaux remplis de pièges et d’obstacles toujours renouvelés. Avec une subtilité : il est impossible (dans la première partie du jeu du moins) d’enchaîner deux dashes sans poser entre-temps le pied à terre.

Les sauts, les dashes et la capacité qu’a Madeline d’escalader pendant quelques secondes les parois verticales sont les trois seules techniques qu’il faudra maîtriser pour voir le bout de Celeste. Trois techniques cependant combinées et déclinées à l’infini, avec une astuce rare, qui vont permettre au joueur d’affronter tous les dangers.

Dans chacun des sept chapitres, un objet ou un obstacle spécial vient renouveler le défi. / Matt Makes Games

La mort comme anomalie

On dit Celeste punitif, sadique ? Oui, Celeste est un jeu dans lequel les précipices, les pièges et les obstacles sont innombrables, et où la moindre erreur signe une mort immédiate. Mais Celeste n’est pas punitif. Si le bruit court, c’est parce que trop de jeux sans audace ont fini par convaincre les joueurs que l’échec était une punition.

La mort dans le jeu vidéo est devenue un bug, une anomalie. Quelque chose que les créateurs tentent de faire disparaître ou de cacher sous le tapis. Comme si un bon jeu vidéo devait être une promenade de santé, un fil que l’on déroule. Mais c’est oublier que s’il y a (évidemment) du bonheur dans la réussite, il peut aussi y avoir de la joie dans l’échec.

Dans Celeste, l’échec est omniprésent. On meurt, cent, cinq cents, voire mille fois par niveau. Mais c’est à peine un contretemps. En cas de mauvaise chute, on reprend l’action, une, deux, voire trois secondes plus tôt. Ce n’est pas une punition, c’est un coup de pierre à aiguiser sur les réflexes du joueur, un encouragement à ajuster la hauteur de son saut, à réévaluer son itinéraire au sein du niveau. Après chaque chute, on se remet immédiatement en selle, un peu plus pressé de parvenir à notre objectif, un peu plus certain de la manière de l’atteindre.

Si Celeste est bien un jeu de plate-forme, il est davantage de l’école Super Meat Boy que Super Mario. Comme Meat Boy (et plus encore sa suite spirituelle, The End Is Nigh), c’est un jeu qui pousse à la réflexion, à l’exploration, à tenter de comprendre ce que le jeu attend de nous.

L’exécution, elle, est presque un problème secondaire, et posera surtout problème dans les niveaux bonus et facultatifs, il est vrai, infernaux, à réserver aux joueurs les plus aguerris.

Du doigté et du tact

Car Celeste est un jeu généreux, qui propose non seulement des niveaux cachés, mais se permet même de cacher dans ceux-là d’autres mondes bonus, à la façon de poupées russes.

Pour le grand public, le cœur de son expérience, ce sont pourtant ses sept chapitres de base, sept environnements délicieux sublimés par un « pixel art » sensible.

« Celeste », c’est aussi une histoire de blues adolescent, classique et déjà vue mais racontée avec tact. / Matt Makes Games

Noel Berry, ici aux pinceaux virtuels, arrive, en effet, à capturer l’esprit de Towerfall, qui, déjà, avec quelques pixels à première vue un peu grossiers, arrivait à évoquer l’existence de mystères plus profonds, de secrets à découvrir. Au premier abord simples, ses graphismes sont, en réalité, bourrés de détails adorables et d’animations soignées, réservant, à ceux qui en prendront le temps, moult secrets et bonus à collecter.

Ils autorisent aussi Celeste à être davantage qu’une bête collection de défis, en installant une ambiance mélancolique et une galerie de personnages attachants. Car, sans être pour autant bavard ni donneur de leçon, le jeu du duo Thorson-Berry arrive à revisiter les sempiternels thèmes d’un jeu vidéo indépendant nord-américain qui a le blues. Il parle, comme tant d’autres avant lui, du mal-être adolescent, de la dépression et de la difficulté de trouver sa place dans la société – mais avec tact, toujours.

D’ailleurs, on le comprend très vite : Madeline, c’est elle-même qu’elle est venue chercher sur ce mont Celeste. Et, qu’on se rassure, elle finira par se trouver. Elle deviendra une personne meilleure tout comme le joueur, étape après étape, petite mort après faux pas, deviendra un joueur plus aguerri.

L’avis de Pixels

On a aimé :

  • Huit heures « seulement » pour voir le bout du jeu, mais au moins le double pour finir les niveaux bonus (sans parler de trouver toutes les fraises) ;
  • Les mouvements de Madeline, simples et pourtant bourrés de subtilités ;
  • Les graphismes, la musique, les personnages : tout l’univers, en fait.

On n’a pas aimé :

  • L’absence de version Ouya.

C’est pour vous si :

  • Vous vous battez sans répit ;
  • Vous feriez tout pour être vainqueur ;
  • Et gagner les défis.

Ce n’est pas pour si :

  • Vous n’aimez pas perdre ;
  • La répétition n’est pas votre truc ;
  • Vous avez deux mains gauches.

La note de Pixels

199 fraises sur 200.