Jusqu’à présent, Emmanuel Macron s’était montré discret sur le dossier corse. Il devrait clarifier sa position lors d’une rencontre avec le président de l’exécutif, l’autonomiste Gilles Simeoni, et celui de l’Assemblée territoriale, l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni, mardi 6 février en fin de journée à Ajaccio.

« Il y a une fenêtre historique pour sortir de la logique de conflit », a reconnu, lundi, Gilles Simeoni. Mais « pour un dialogue, il faut être deux. Et pour l’instant, nous avons été les seuls à avoir donné des signes tangibles que nous voulions ce dialogue. »

Au préalable, lors de cette première visite officielle sur l’île de beauté, Emmanuel Macron se prêtera au devoir de mémoire et va commémorer le 20e anniversaire de la mort du préfet de Corse Claude Erignac, abattu par un commando nationaliste le 6 février 1998, à Ajaccio. Le chef d’Etat présidera une cérémonie sur les lieux et la place attenante sera rebaptisée « place Claude Erignac ». Seront présents d’anciens préfets de la région et de nombreux élus insulaires dont Gilles Simeoni, qui a été l’un des avocats d’Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l’assassinat de Claude Erignac.

A Bastia, le discours du président sera scruté

Depuis cette époque, le nationalisme corse a tourné la page de la clandestinité et des attentats, avant de triompher dans les urnes, obtenant une majorité absolue aux élections territoriales de décembre. Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni se sentent ainsi en position de force pour accueillir Emmanuel Macron, avec lequel ils s’entretiendront à 19 heures dans le bâtiment majestueux de la Collectivité territoriale, trois jours seulement après une manifestation massive pour la reconnaissance de la spécificité de l’île.

Alors que les deux élus ont retiré le drapeau français de leurs bureaux, où ne subsistent que les bannières européenne et corse, ils se plieront au protocole pour l’occasion. « La France est un pays voisin avec lequel nous partageons un ensemble de choses, dont la francophonie », a déclaré Jean-Guy Talamoni à l’agence de presse Reuters. « Quand on reçoit un chef d’Etat, on met son drapeau. »

Le mystère persiste autour de cette visite présidentielle. Il a notamment été entretenu par l’incertitude autour du programme d’Emmanuel Macron, dévoilé seulement lundi soir par l’Elysée. Gilles Simeoni a également déclaré ignorer quelles étaient « les intentions » d’Emmanuel Macron qui a très peu évoqué publiquement la Corse depuis son élection. « On part pratiquement d’une feuille blanche avec lui », résume le responsable autonomiste, en prévenant : « si demain les portes du dialogue restaient fermées, nous serions dans une situation de crise, de blocage politique. »

Le chef de l’Etat devrait attendre la dernière étape de sa visite dans l’île, à Bastia mercredi après-midi, pour prononcer un discours sur sa vision de la Corse. Un discours qui sera très suivi à Paris, notamment dans le cadre du débat sur la révision de la Constitution souhaitée par Emmanuel Macron, qui porte sur les institutions mais pourrait inclure la Corse, comme le réclament les nationalistes. Parmi leurs autres demandes, figurent la co-officialité de la langue corse, le statut de résident et le rapprochement des prisonniers dits « politiques ».