Manifestation contre la réforme des universités mardi 6 février à Lyon. / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Alors que 800 000 lycéens et étudiants en réorientation ont commencé en janvier à inscrire sur la plateforme Parcoursup leurs vœux d’orientation dans l’enseignement supérieur, les sénateurs examinent, à partir de mercredi 7 février après-midi, le projet de loi qui réforme profondément l’accès à l’université.

Traduction du « Plan étudiants » annoncé en octobre par la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal, ce projet de loi « « relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants » a été adopté le 19 décembre à l’Assemblée nationale, avec 361 voix pour, 129 voix contre.

Selon les arguments développés par le gouvernement, il vise à « tourner la page du tirage au sort » à l’entrée de l’université, qui avait fait polémique durant l’été, mais aussi à « lutter contre l’échec en licence ». Principal changement, par rapport aux régles qu’appliquait la procédure admission post-bac (APB) : les licences universitaires, jusqu’ici non sélectives, classeront maintenant tous les candidats en fonction de l’adéquation entre leur profil et les compétences qu’elles sont dorénavant en droit d’attendre d’eux.

Examen des dossiers des candidats

Ce classement permettra de les départager dans le cas où le nombre de candidatures dans la formation dépasserait celui des places disponibles. Il servira aussi à déterminer les étudiants qui ont besoin d’un accompagnement spécifique durant leur scolarité (parcours de remise à niveau, etc.). La réforme comporte également un volet sur la vie étudiante, avec la suppression du régime de sécurité sociale étudiante, couplée à la création d’une contribution à la vie étudiante de 90 euros par étudiant non-boursier.

Ces changements sont remis en cause par une partie des syndicats étudiants (UNEF, Solidaires), lycéens (SGL, UNL) et enseignants (FSU, CGT, FO, Sud Education) qui dénoncent l’instauration d’une sélection pure et simple à l’entrée de l’université. Ils ont organisé deux journées de mobilisation, les 1er et 6 février, pour demander le retrait de la réforme. Et une partie d’entre eux se sont joints à un recours devant le conseil d’Etat déposé par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) au Sénat, pour contester la mise en place du nouveau portail d’admission dans le supérieur, Parcoursup, avant même le vote de la loi.

192 amendements

192 amendements ont d’ores et déjà été déposés par les sénateurs, auxquels pourront s’ajouter ceux du gouvernement. Parmi eux, un en particulier pourrait animer les débats. Présenté par le sénateur Jacques Grosperrin, du groupe « Les Républicains » (qui compte 146 sénateurs sur 348) il propose qu’à l’avenir les universités puissent ajuster les capacités d’accueil des formations en fonction de leurs « taux de réussite et d’insertion professionnelle ». « Il y a des filières en tension qui n’ont pas ou peu de débouchés. » justifie-t-il auprès du Monde, en prenant comme exemple la filière Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). Tout en précisant porter « un jugement assez favorable et bienveillant sur ce projet de loi courageux ».

La FAGE, principal syndicat étudiant, ainsi que le syndicat enseignant Sgen-CFDT, deux soutiens importants de cette réforme du gouvernement, ont déjà fait connaître leur opposition à cet amendement. De son côté Gabriel Attal, député LRM et rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, se dit aussi réservé sur toute « logique adéquationiste », tout en étant attentif à l’intérêt de « renforcer l’information sur l’insertion professionnelle des formations ». Attendant de voir comment le texte évolue durant les discussions, il salue la « véritable envie des sénateurs de travailler » sur celui-ci, sans « volonté de blocage ». Ainsi que certains «amendements de bon sens » proposés, comme la reconnaissance dans la loi des doubles-licences sélectives ou le fait de prévoir deux représentants étudiants au sein du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance maladie.

Commission mixte paritaire

La procédure accélérée ayant été choisie par le gouvernement, ce projet de loi ne fait l’objet que d’une lecture de chacune des deux chambres. Comme il a déjà été modifié par la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, la version qui y sera adoptée sera différente de celle votée à l’Assemblée nationale. Une commission mixte paritaire est d’ores et déjà prévue la semaine prochaine. Composée de députés et sénateurs de la majorité et de l’opposition, elle rendra ses conclusions le 15 février, avec pour mission d’aboutir à un texte identique, qui sera ensuite à nouveau soumis à leur vote.

Si aucun consensus n’était trouvé, la « navette parlementaire » entre les deux chambres reprendrait. Une situation que le ministère et la majorité veulent sans doute éviter, car le temps presse. Les formations de l’enseignement supérieur sont censés appliquer les nouvelles règles d’accès à l’université à compter du 31 mars, date buttoir fixée aux lycéens et étudiants en réorientaiton pour finaliser leurs dossiers decandidature sur Parcoursup.