Maxime Sou gère une classe de CE2 de 132 élèves dans l'école Kua C de Bobo-Dioulasso. / SOPHIE GARCIA /HANS LUCAS POUR LE MONDE

Ecole Kua C de Bobo-Dioulasso, dans l’ouest du Burkina Faso : dans la classe d’à peine 40 m2 s’entassent 132 élèves de CE2. Sur les pupitres de bois délabrés, les cahiers se chevauchent. La page de celui d’Houssen cache celle de Souleymane, qui à son tour recouvre celle de Faycal. Ils sont huit à se partager ce bout de table d’1,50 m de long.

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Pour faire la rédaction demandée par l’enseignant, l’histoire d’un singe et d’un chien se baladant en brousse, il va falloir que certains se sacrifient. Houssen pivote, un pied sur le banc, une main sur la table, et tente de s’extirper pour s’installer à même le sol. Après quelques enjambées délicates, une trentaine d’élèves le rejoignent.

« Vous avez cinq minutes ! Écrivez, rapidement ! », ordonne Maxime Sou en faisant le tour de la salle. Autour de l’enseignant, on entendrait une mouche voler. Les yeux rivés sur les cahiers, chacun raconte son histoire.

Infographie "Le Monde"

Discipline et dialogue

Les élèves le savent, ils ont de la chance d’être dans cette classe. Car Maxime Sou est le « Monsieur 100 % », ou presque, du Burkina Faso : 100 % de réussite au certificat d’études primaires (CEP), l’examen d’entrée en 6e, à quatre reprises, dans des classes où les effectifs, 100, 110 voire 130, donneraient le tournis à n’importe quel enseignant. En « vingt ans et deux mois » de carrière, jamais ce professeur de 47 ans n’est descendu en dessous des 88 % de taux de réussite au CEP, quand la moyenne nationale est de 73,5 %.

La clé de son succès est un savant mélange de discipline, de dialogue, de rythme et de travail de groupe. « Mon secret, c’est de ne rien leur imposer. Je leur demande s’ils sont d’accord pour faire tel exercice, si telle correction est la bonne. Ils choisissent, ils cherchent. Cela stimule leur réflexion », explique l’enseignant en slalomant d’un pas rapide entre les pupitres.

La plupart des élèves ont terminé leur rédaction. « Qui veut venir au tableau ? » Une centaine de mains se lèvent. « Ali va y aller, si tout le monde est d’accord. » D’une même voix, les 132 élèves acquiescent. « Le rythme, le dialogue, c’est une façon de les maintenir en éveil, de les faire suivre », explique Maxime Sou. Au tableau, Ali s’applique. « Le chien et le singe s’amusent », note-t-il d’une écriture qui traverse le tableau en diagonale. « Est-ce qu’on accepte ça ? » « Oui ! », lancent en chœur les élèves.

Deux devoirs par jour

9 h 30 : changement de cahier. Maxime Sou tourne le dos à son public. Le brouhaha remplace le silence qui régnait depuis le début des cours, à 7 h 30. « Hé ! », gronde l’enseignant. Les bavardages ne durent pas plus de 15 secondes. « Il est un peu sévère mais c’est important. On est dans une bonne classe, on sait qu’avec lui on va réussir », analyse Faycal, 10 ans, « passionné par les soustractions » et qui rêve de devenir commerçant ou, pourquoi pas, docteur. « Il donne beaucoup de devoirs mais on aime ça », poursuit-il.

Avec Maxime Sou, les élèves sont servis. En moyenne, il impose deux devoirs par jour quand les autres enseignants burkinabés n’en donnent généralement qu’un. Alain Sanou, l’un des deux enseignants stagiaires qui l’assistent, reconnaît que cela fait une charge de travail supplémentaire : 132 copies de plus à corriger chaque jour. Mais pour lui, Maxime Sou est un modèle. « Je ne compte pas le temps que je passe à l’école, assure-t-il. Mon attitude est déterminante. Il faut gagner la confiance des enfants. S’ils voient que j’aime mon travail, ils vont aimer le leur. »

Quand le professeur demande aux élèves de venir une heure en avance pour faire un devoir supplémentaire, rares sont ceux qui rechignent. Ici, les élèves aiment l’école, veulent réussir et la plupart rêvent de prendre la place du grand Fatao, assis au fond de la salle. C’est le premier de la classe mais il ne lâchera pas un mot de la matinée. « Il faut porter l’attention sur les élèves les moins bons », préconise Maxime Sou en tournant entre les pupitres, griffonnant d’un trait de craie les ardoises qui se tendent sur son passage.

La classe africaine : état de l’éducation en Afrique
Durée : 01:56

Impliquer les parents

Avec un tel effectif, les élèves comptent eux-mêmes leurs points récoltés lors des différents exercices. Mais chacun veut tout de même obtenir le coup de craie de l’enseignant. « C’est symbolique. Cela leur donne de l’importance », explique-t-il avant d’insister sur un point selon lui fondamental pour la réussite de ses élèves : « J’implique fortement les parents. Je demande aux enfants de leur faire signer leur cahier de devoir tous les mois et quand il y a un problème avec un élève, je convoque les parents. » Une implication qui ne plaît pas toujours. « Certains disent que le maître est dérangeant. Mais je ne baisse pas les bras. Il est fondamental que les parents et moi parlions le même langage », sourit-il en sortant de la classe.

Il est 10 heures, l’heure de la pause. Une fois l’enseignant parti, la cour de cette école de près de 900 élèves se transforme en un vaste terrain de jeu. Les chahuts remplacent le silence et la discipline de la classe. Mais lorsque la fourmilière voit Maxime Sou traverser la cour, un rang se forme et les bouches se ferment. Chacun rentre en silence dans la classe et reprend sa place sur les pupitres de bois.

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Présentation de notre série : La classe africaine

De l’Ethiopie au Sénégal, douze pays ont été parcourus pour raconter les progrès et les besoins de l’éducation sur le continent.