Des agents de police, le 5 février à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais). / PHILIPPE HUGUEN / AFP

La police de sécurité du quotidien (PSQ) que devait lancer le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, jeudi 8 février, sera-t-elle regardée dans dix ans comme un tournant dans l’histoire de la police française ? Ou comme un rendez-vous manqué ? Le contexte politique et social actuel est, à plusieurs égards, propice à une refonte ambitieuse de la sécurité publique. Parce que le malaise est profond au sein des forces de l’ordre qui, dans les commissariats, les brigades ou sur la voie publique, traitent de la délinquance ordinaire. Parce que les attentes sont nombreuses parmi la population. Parce que c’est un engagement de campagne du chef de l’Etat.

Alors que le précédent quinquennat a été accaparé par la lutte antiterroriste, Emmanuel Macron a promis une police « plus proche du terrain, mieux intégrée dans le tissu social des quartiers, mieux à même d’intervenir avec discernement et de traiter les problèmes de proximité ». Ce chantier s’ouvre quinze ans après l’enterrement de la police de proximité par Nicolas Sarkozy qui, ministre de l’intérieur, avait déclaré : « La police de proximité est là pour prévenir mais, si elle est faite au détriment du travail d’investigation et d’interpellation, elle ne sert à rien… »

Le basculement vers une police de l’intervention et de la répression a depuis montré ses limites. Les policiers et les gendarmes le disent, lorsqu’ils dénoncent les effets pervers d’une politique du résultat qui les pousse à faire du chiffre sans considérer la finalité de leur action. C’est multiplier les interpellations de « shiteux » ou de sans-papiers, accumuler les verbalisations d’automobilistes, en négligeant les trafics, en se détournant du travail de renseignement et des modes de régulation « douce ».

C’est aussi faire le constat d’un fossé qui se creuse entre la police et la population dans les quartiers pauvres. Régulièrement, l’actualité rappelle cette hostilité, à l’instar de la violente agression de quatre policiers au moyen de cocktails Molotov à Viry-Châtillon (Essonne) en octobre 2016, ou de l’interpellation du jeune Théo à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en février 2017, victime d’un viol présumé au moyen d’une matraque télescopique.

Nombreux griefs

En ce sens, l’absence dans les mesures annoncées jeudi de toute réflexion sur les contrôles d’identité – dont la forme routinisée et discriminatoire est documentée – fera des déçus. Quant aux nombreux griefs sur lesquels achoppe le « malaise policier », qui vont du sentiment d’une réponse judiciaire inadaptée au manque de moyens, en passant par la lourdeur de la procédure pénale, ils ne devraient pas trouver d’issue à court terme.

Le choix de Gérard Collomb est que sa réforme « infuse » tout au long du quinquennat. S’il n’a pas cédé à la création d’une énième brigade spécialisée qui aurait prêché seule une façon de faire de la police différemment, ceux qui critiquaient le flou de la PSQ risquent d’être confortés dans leur scepticisme.

Des chantiers sont ouverts, et le gouvernement sera jugé sur ce qu’ils produiront à terme. Le recentrage des policiers sur leur cœur de métier, avec la suppression de certaines tâches, s’étalera sur plusieurs années ; la simplification de la procédure pénale sera négociée dans les prochains mois avec le ministère de la justice ; la réforme de la formation des policiers est encore incertaine et devra, pour réussir, s’affranchir des corporatismes de l’institution.

Ainsi en est-il aussi de la fin de la politique du chiffre, que promet le ministre de l’intérieur. Si l’évaluation de l’action de la police par la population, et l’association des maires à la définition de stratégies locales de lutte contre la délinquance ne restent pas des vœux pieux, elles feront date.