Les premières critiques émises contre la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) pour 2019- 2025, qui a été dévoilée, jeudi 8 février, en conseil des ministres, portent non sur la nécessité d’augmenter les ressources des armées, mais sur le réalisme de l’effort annoncé.

Le gouvernement affirme que les budgets cumulés de la défense atteindront 198 milliards d’euros d’ici 2023, période durant laquelle les armées seront soumises, comme les autres ministères, à la régulation des finances publiques. Et 295 milliards au total d’ici à 2025 si les conditions macroéconomiques le permettent. Un rendez-vous est fixé en 2021 pour actualiser la LPM. « Pour les années 2019 à 2023, les ressources ont un caractère ferme, indique le document gouvernemental. Les crédits budgétaires pour 2024 et 2025 feront l’objet d’arbitrages complémentaires en 2021. »

« Nous sommes sur une pente à + 1,7 milliard [chaque année] jusqu’en 2022 et ensuite la pente est à trois milliards à partir de 2023 », a noté le général Pierre de Villiers, mercredi 7 février sur France 3. S’il juge la trajectoire positive, l’ancien chef d’état-major des armées exprime des « points de vigilance » quant à l’exécution des engagements financiers, sachant qu’il faut en 2018 commencer par financer les décisions déjà prises par François Hollande avant de parler de nouvel effort. « Evidemment, nous avons l’expérience, il faudra être vigilant », a-t-il indiqué.

La très forte progression des crédits au terme de la LPM « cache de réelles fragilités », critique le rapporteur spécial des crédits de la défense à la commission des finances, François Cornut-Gentille. Le député (LR) évoque une « loi de programmation 2019-2023 qui demande à être jugée en 2025 », l’effort principal étant « repoussé après le quinquennat, que ce soit en dotation budgétaire, en augmentation des effectifs ou en livraison des matériels ». Pour lui, « on banalise la LPM comme la simple expression du souhaitable ».

Pour le groupe La France insoumise (LFI), « la LPM reste victime de l’austérité », alors que « c’est une augmentation rapide qui est indispensable ». Notamment pour compenser en 2018 les annulations de 850 millions d’euros de crédits de l’année 2017 qui ont déclenché la démission du chef d’état-major Pierre de Villiers.

Des coopérations afin de faire réaliser des économies à la France

Les espoirs placés dans la coopération européenne sont eux aussi relativisés. Le texte gouvernemental français insiste sur la promotion d’une « souveraineté européenne », et sur des coopérations susceptibles de faire réaliser des économies à la France – un des objectifs de la ministre de la défense, Florence Parly, est d’arriver à ce que le fonds européen de défense prenne en charge, à terme, 20 % des programmes capacitaires.

Mais au même moment, à Berlin, l’accord de coalition du gouvernement allemand, publié mercredi, ne comporte pas l’engagement sur l’objectif de l’OTAN d’atteindre 2 % du PIB pour la défense, à la demande des sociaux-démocrates. L’accord fixe en outre des conditions très restrictives aux exportations de matériels d’armement, qui risquent de faire capoter tout programme conjoint avec l’industrie de défense française.

Pour Bastien Lachaud et Alexis Corbière, de LFI, la France continue de « brader son indépendance » aux Etats-Unis : « La communication d’Emmanuel Macron tente de faire croire au renforcement de la défense européenne comme contrepoids à l’influence états-unienne au nom d’une prétendue souveraineté européenne. Mais toute cette rhétorique occulte que tous les traités de l’UE sous-traitent sa défense à l’OTAN, c’est-à-dire aux Etats-Unis. »