Quatre chaises Baumann aux dossiers en bois massif courbé. / SONS OF VINTAGE

« Tout le monde rêve d’un comptoir chez soi… Le fantasme de boire un coup avec ses copains est assez masculin, lance Philippe Lefroid, de la boutique Sons of vintage. Cette pièce monstrueuse (de 2 à 8 m de long !) a souvent été fabriquée sur mesure pour le café. Difficile de la placer chez soi et de plaire à madame. » D’autant que le comptoir ancien, imposant par son volume et son poids (jusqu’à 250 kg) est un meuble spécifique : il est souvent vendu avec son meuble arrière-bar surmonté d’un verrier. Sans ces derniers, le comptoir peut faire office de « séparation entre une cuisine ouverte et une salle à manger », conseille Serge Strugar, de la boutique Broc2bars, près de Bordeaux. Ce spécialiste ose présenter l’addition : « Le top est rare et donc cher : comptez 2 800 euros pour un modèle de 4 mètres en fonction de l’état, si l’étain est d’origine ; et jusqu’à 12 800 euros pour un exemplaire de 1 mètre datant de 1900. » L’étain (eh non, la piste n’est pas en zinc), s’il est en mauvais état, peut passer entre les mains d’un restaurateur mais l’investissement est conséquent.

Une glacière en acajou

Alors, comment récréer l’atmosphère des bistros d’antan chez soi sans alourdir la note ? Moins réputés, d’autres meubles typiques et fonctionnels affichent des prix plus raisonnables. A condition de les détourner de leur usage initial. Une glacière 5 portes en acajou devient un meuble de rangement pour la vaisselle : de 400 à 500 euros. Une desserte à couverts, plus racée qu’un buffet, trouve sa place dans un coin de la salle à manger : de 250 à 300 euros. Et puis « une banquette en skaï met l’ambiance dans une cuisine », énonce Serge Strugar.

« Les chaises, un excellent rapport qualité/prix »
Philippe Lefroid, spécialiste du mobilier vintage

Mais l’investissement le plus sûr se concentre sur les tables et chaises de bistro, innombrables sur le marché. « Les chaises, un excellent rapport qualité/prix », confirme Philippe Lefroid. Surtout par rapport au mobilier bien plus onéreux des fabricants actuels de sièges de bistro. Le galeriste nantais argumente : « Dans le mobilier contemporain, il n’y a pas vraiment de chaises de bistro sympas et de belle qualité. Alors que les chaises de plus de 60 ans se dénichent entre 15 et 60 euros pièce et ne se démantèlent pas comme les modèles actuels… » Le Niçois Jérémy, de Déco authentique, confirme la fourchette, très accessible : « De 45 à 65 euros la chaise classique, jusqu’à 100-120 euros le modèle Thonet. »

Baumann, Thonet, Kohn, Luterma… Ces marques ont en effet produit en série des chaises et tabourets robustes et légers, tout au long du XXe siècle. L’autrichien Thonet, certes innovant dès les années 1850, n’a rien à envier au franc-comtois Baumann pour ce qui est de la maîtrise du courbage du bois massif. Les sièges de ces deux fabricants sont ainsi devenus des véritables icônes des salles de restauration jusque dans les années 1970.

Formica de couleur

Compagne de ces chaises, même dépareillées, l’indispensable table de bistro pour parfaire la convivialité d’une déco intérieure cosy. Philippe Lefroid précise d’emblée : « Les modèles à quatre pieds, rectangulaires ou ovales sont difficiles à vendre. Ce sont les petits modèles carrés, 2 ou 4 places qui sont préférés. Rouge, jaune, vert, bleu… Les tables en formica très 1960 se vendent d’ailleurs plutôt bien grâce à leurs couleurs. » Mais attention, ce mélaminé se restaure assez mal, voire pas du tout. « Il faut impérativement trouver des pièces en bon état », conseille-t-il.

Aux côtés des tables pour 2 ou 4 personnes, des guéridons (plateau rond avec un seul pied) et des modèles tout bois aux deux pieds latéraux parfois reliés, « il y a aussi les mange-debout avec leur pied en fonte », glisse Stéphane ­Morisset, installé à Bordeaux. Bref, la famille des tables de bistro – entre 90 et 400 euros – est nombreuse et ses qualités séduisent au-delà du cercle des seuls amateurs. Quelques tôliers de bistros tout juste installés penchent volontiers pour investir dans des meubles anciens plus stables et faciles à entretenir qui se retrouvent aussi dans des endroits où l’on ne les attend pas. « J’ai vendu récemment des tables en formica de couleur, piétement en fonte, pour les salles de réunion d’un espace de coworking », témoigne Serge Strugar. De même, les fauteuils tout terrain en rotin canné de la maison ­ Drucker, équipement idéal pour de nombreux bistros parisiens depuis 1885, font de la résistance dans les jardins et dans les parcs…

Enfin, toujours pour l’extérieur, mention spéciale à Tolix, fabricant français de sièges métalliques depuis 1927, imaginés par Xavier Pauchard au départ pour les ateliers et bureaux. Serge ­Strugar précise : « Tolix est un vrai phénomène de mode, les chaises ont été ­ copiées… en Chine ! Comptez de 50 à 60 euros pour un fauteuil » de cette marque française toujours en activité. Finalement, « ce qui est le plus intéressant dans ces meubles ? Leur recyclage », conclut Stéphane Morisset, ancien chef cuisinier reconverti en brocanteur.