Maxime Lopez, en 2017 à Bordeaux. / NICOLAS TUCAT / AFP

Opération séduction bien menée ou plan de développement durable garantissant un avenir radieux ? En moins d’un an, l’OM a signé vingt et une conventions avec des clubs amateurs de son territoire. Le partenariat OM Next Generation s’appuie sur des règles édictées dans un contrat de cinq pages, définissant les engagements du grand frère professionnel et ceux du club ami. Un code de bonne entente agrémenté d’arguments financiers, avec un but commun : ne plus laisser les meilleurs jeunes joueurs du très riche bassin marseillais filer vers d’autres centres de formation.

Assis dans son club-house aux murs tendus de maillots, le président de l’ASC Vivaux-Sauvagère, Omar Keddadouche, n’en revient toujours pas. En avril 2017, son petit club de cité du 9e arrondissement a intégré l’opération OM Next Generation. Au même titre que des voisins plus huppés comme le Burel FC, où a grandi Maxime Lopez, Martigues, ou encore l’AS Mazargues. « Avant, quand un joueur lui plaisait, l’OM contactait directement les parents, offrait dix chasubles, dix ballons au club formateur et au revoir. Et tu ne voyais jamais les gamins arriver jusqu’à l’équipe première ! Alors, pour les dirigeants du coin, c’était tout sauf l’OM… Jacques-Henri Eyraud veut sincèrement en finir avec cette arrogance vis-à-vis du foot amateur. Il nous a écoutés, ce que même nos grands présidents comme Bernard Tapie ou Pape Diouf n’ont jamais fait. »

« L’OM ne recrute pas les plus forts talents »

« La formation de l’OM n’est pas intrinsèquement inférieure à celle de Monaco ou Nice, analyse Serge Obré, responsable de l’école de football du Burel FC, premier club conventionné dès février 2017. Mais l’OM ne recrute pas les plus forts talents et part donc avec un handicap qu’elle ne rattrape jamais. » En 2016-2017, le centre de formation marseillais pointe à la 20e place du classement de la Fédération française de foot (FFF), derrière Valenciennes, Caen et Troyes. A mille lieues de Lyon, Paris ou Monaco, les experts du genre.

La réforme de l’association OM en décembre, menée en bonne entente avec la mairie de Marseille, a permis à la structure professionnelle de récupérer la gestion des équipes de jeunes à partir des 11 ans et fait entrer au conseil d’administration des personnalités comme le recteur d’académie Bernard Beignier. Une étape importante dans la volonté de Jacques-Henri Eyraud « d’élever les objectifs en matière de formation ». Le club a également clarifié son interface avec le monde amateur : un seul interlocuteur pour tous les clubs partenaires, une équipe de scouts officiels sous la direction d’Andoni Zubizarreta, seuls habilités à représenter l’OM. « Nous nous engageons à ne pas solliciter de joueurs de moins de 13 ans et à travailler en bonne entente avec les écoles de foot. Si elles veulent garder leur joueur un an de plus, on en parle… », insiste le président Eyraud.

OM Next Generation, c’est d’abord une série de petites attentions contractuelles. Une invitation au stade Vélodrome pour chaque licencié, des visites guidées pour les 10-13 ans au centre d’entraînement des pros, l’organisation de tournois amicaux à la Commanderie et le suivi bienveillant des médias olympiens. Des preuves d’amour qui coûtent peu à l’OM mais font briller les yeux des minots des clubs conventionnés.

« C’est aussi un échange technique capital pour nous », enchaîne Guillaume Hachette, 36 ans, infirmier et entraîneur des U10 à Vivaux-Sauvagère. Depuis quelques mois, l’OM organise et finance les formations aux trois niveaux du certificat fédéral de football (CFF) pour les coachs des clubs partenaires. Il envoie aussi ses techniciens conduire des séances en leur compagnie. « Ils sont disponibles, on peut les appeler à la moindre interrogation sur le contenu d’un entraînement », s’étonne encore Guillaume Hachette, qui se dit « bluffé par la densité et la précision du projet ».

« Pour l’instant, cette opération n’est que de la com’»

Le troisième volet du partenariat, celui des contreparties financières, est le plus crucial. Chaque club signataire reçoit 5 000 euros par an, puis, si un joueur repéré devient olympien, une série de primes à chaque étape de son parcours, « afin de récompenser et fidéliser l’association » définit le contrat : 4 000 euros lorsque le joueur devient apprenti, aspirant ou stagiaire, 17 000 euros pour un contrat « élite », 12 000 euros pour un contrat professionnel de plus de trois ans. « Ces primes ne se cumulent pas car aucun joueur ne passe par toutes les étapes », relativise Serge Obré du Burel FC.

Mais les bonnes relations humaines et les primes ne garantissent pas à l’OM qu’il ne ratera plus les futurs Zidane ou Cantona. « La décision appartient aux parents, nous ne pouvons que les orienter », insiste Serge Obré. En janvier 2018, les trois premiers accords de non-sollicitation (ANS) signés par des joueurs de 13 ans du Burel FC l’ont été avec Nice, Montpellier et Saint-Etienne. Le club amateur évoque des engagements antécédents à la signature de la convention Next Generation, mais l’ironie n’a échappé à personne dans le microcosme.

« Pour l’instant, cette opération n’est que de la com’ », dit Chaïb Draoui, président du SC Air Bel, le meilleur club formateur de la région, qui, après quatre rencontres avec Jacques-Henri Eyraud, a décliné le partenariat. « Nous avons un accord avec Montpellier qui court sur deux saisons, justifie-t-il. Après, la porte reste ouverte mais quand je vois que nos U17 nationaux sont mieux classés que ceux de l’OM, je ne vois pas l’intérêt de leur envoyer nos joueurs. » « A Epinal, en Coupe de France, six joueurs formés au club étaient sur la feuille de match, préfère souligner le président Eyraud. Je ne sais pas si c’est l’OM dont je rêve, mais je voudrais qu’à l’horizon 2022, nous ayons plus de Maxime Lopez ou de Bouba Kamara dans l’équipe. »