Kim Yo-jong, à Incheon (Corée du Sud), vendredi 9 février. / KIM JU-HYUNG/AP

Pour la première fois depuis la fin de la guerre de Corée, un membre de la famille des Kim, au pouvoir en Corée du Nord – connue comme la « lignée du mont Paektu » –, se rend en visite au Sud. Kim Yo-jong, petite sœur de l’actuel dirigeant, Kim Jong-un, dont elle aurait toute la confiance, est arrivée vendredi 9 février autour de 13 h 30 heure locale à l’aéroport d’Incheon, non loin de Séoul, à bord d’un Iliouchine 62M, avion personnel de son frère.

Cible de l’insistante attention des médias sud-coréens, vêtue de noir, volontiers souriante, Kim Yo-jong a été accueillie par le ministre de l’unification, Cho Myoung-gyon. Elle accompagne Kim Yong-nam, président du présidium de l’Assemblée populaire suprême nord-coréenne qui dirige la délégation envoyée par Pyongyang, et a rencontré le chef de l’état sud-coréen, Moon Jae-in, vendredi, avant d’assister à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pyeongchang.

Avec le reste de la délégation, elle déjeunera samedi 10 février avec le président, Moon Jae-in. La venue de Mme Kim « démontre la volonté du Nord de réduire la tension sur la péninsule », estimait, le 7 février, la présidence sud-coréenne en annonçant sa présence. La question est de savoir quel message elle porte au nom de son frère et si une entrevue avec le vice-président américain, Mike Pence, présent lui aussi à Pyeongchang pour la cérémonie d’ouverture, aura lieu. M. Pence ne s’y est pas montré hostile.

« Visites sur le terrain »

Agée d’une trentaine d’années – elle serait née en 1987 selon les services sud-coréens, et en 1989 selon les Américains –, Mme Kim a connu une ascension rapide au sein de l’appareil nord-coréen. Nommée en octobre 2017 membre du bureau politique du Parti du travail, elle avait été auparavant promue au poste de directrice adjointe du département d’agitation et de propagande au sein du parti. Proche du dictateur, elle gère ses « visites sur le terrain pour donner des instructions », notamment le programme, les besoins logistiques et la sécurité. Elle entretient de ce fait des liens avec le puissant ministère de la sécurité d’Etat.

Ce parcours découle de ses liens particuliers avec Kim Jong-un. Elle est la plus jeune des trois enfants du dirigeant Kim Jong-il (1941-2011) et de sa quatrième épouse, Ko Yong-hui (1952-2004). Ses aînés sont Kim Jong-chol (né en 1981, sans fonction connue) et l’actuel dirigeant, né en 1983. Elle a suivi comme ses frères une scolarité en Suisse entre 1996 et 2000 à l’école publique Steinhölzli de Liebefeld, qui accueille les enfants de personnels diplomatiques, près de Berne. Sa mère venait de temps en temps rendre visite à ses enfants.

De retour à Pyongyang, elle a suivi des cours à l’université Kim Il-sung et, après la mort de sa mère, dans un établissement d’Europe occidentale. Elle semblait déjà manifester un intérêt pour les affaires d’Etat. Dès 2002, explique le site spécialisé North Korea Leadership Watch, « Kim Jong-il affirmait fièrement à ses interlocuteurs étrangers que sa plus jeune fille s’intéressait à la politique et voulait mener une carrière au sein de l’appareil de la RPDC ».

En 2007, elle aurait intégré le parti et travaillé sous la direction de Kim Jong-il et de sa tante, Kim Kyong-hui, dont elle s’inspirerait pour ses activités actuelles. Après l’attaque cérébrale subie en 2008 par son père et l’accélération des préparatifs de la succession, Kim Yo-jong est promue dans l’entourage direct de Kim Jong-il. Elle participe dès lors à ses déplacements sur le terrain, même si elle apparaît peu sur les photos officielles.

Selon la presse sud-coréenne citant les renseignements chinois, elle serait mariée au plus jeune fils de Choe Ryong-hae, actuellement directeur du département chargé de l’organisation du pouvoir. Son époux travaillerait au service des finances et de la comptabilité du parti. Il aurait des liens avec la Division 39, créée dans les années 1970 pour gérer les avoirs de la famille Kim.

Sa première mention officielle par des médias nord-coréens remonte à mars 2014, à l’occasion d’un vote de l’Assemblée populaire suprême. Depuis, ses apparitions se multiplient, en arrière-plan des photos officielles, souvent en tenue vert olive, celle des journalistes documentant les déplacements du dirigeant. « Elle ne s’affiche jamais vêtue de vêtements de luxe ou portant des accessoires voyants, note un expert de la Corée du Nord. Sans doute parce qu’elle est au service de l’image du dirigeant qui doit être seul dans la lumière. »