Documentaire sur RMC Découverte à 20 h 50

France la nurserie oubliée du IIIème Reich
Durée : 00:43

Un grand manoir cos­su de style néonormand, niché au cœur de la forêt de Chantilly, près du village de Lamorlaye (Oise). Ce lieu bucolique et apaisant qui appartenait à la famille Meunier (celle des chocolats) a abrité, pendant quelques mois de l’année 1944, une maternité d’un genre spécial, dotée d’un matériel médical de pointe et de tout le confort possible.

Il a fallu attendre longtemps après la guerre pour que soit révélée au public que, entre février et août 1944, ce manoir abritait une pouponnière faisant partie du Lebensborn (« fontaines de vie »), gigantesque système de nurseries placées sous l’autorité de la SS et destinées à peupler les immenses territoires du Reich d’une population de race pure et germanique. Un très officiel ordre de procréation, mis au point par Himmler, avait été lancé quelques années auparavant. Et, outre une dizaine de centres du Lebensborn sur le territoire allemand, des pouponnières avaient été installées par les SS en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark et en Norvège, pays considérés comme aptes à donner au Reich des enfants aryens.

La France, pays plus compliqué aux yeux des dirigeants nazis, aura eu droit à une seule nurserie de ce type, choix décidé en 1943. Une vingtaine de femmes y accoucheront, un peu moins d’une trentaine d’enfants y naîtront. Leurs pères, allemands, sont majoritairement membres de la SS. En moins de dix ans d’existence, des milliers de nourrissons ont vu le jour dans ces centres disséminés en Europe.

Un Lebensborn, en 1944. / RMC DÉCOUVERTE

Fondé sur les travaux du journaliste Boris Thiolay, auteur d’un ouvrage remarqué (Lebensborn, la fabrique des enfants parfaits), paru chez Flammarion en 2012, ce documentaire inédit retrace l’histoire du seul établissement français du Lebensborn, personnifiée face caméra par Erwin Grinski, né dans ce manoir, en mai 1944, et que Thiolay, après de longues recherches, a retrouvé du côté d’Avignon.

Jusqu’à une date récente, cet homme ignorait tout de ses origines et semble visiblement bouleversé par ce qu’il découvre. « Je n’ai repris mon prénom d’Erwin qu’après la mort de ma mère. Avant, pour l’état civil, je m’appelais Hervé. Ma mère me disait de ne jamais parler de l’Allemagne ou de la guerre. » Les recherches permettront de prouver que la mère d’Erwin était une Polonaise de Poméranie, arrivée en France à l’âge de 10 ans. Son père, qu’Erwin pensait infirmier et antinazi, était membre de la garde personnelle d’Hitler, avec le matricule SS 35133.

Bébés abandonnés

Juste après ce documentaire étonnant, mais parfois un peu décousu, les programmateurs ont eu la bonne idée de diffuser Lebensborn : les pouponnières du IIIe Reich, remarquable travail signé Romain Icard que les téléspectateurs de France 3 avaient pu apprécier en mars 2014. Retraçant l’histoire de ces maternités pas comme les autres, regorgeant d’images d’archives rares, ce documentaire de 52 minutes débute par la découverte, le 3 mai 1945, par les soldats américains, d’une grande maison à Steinhöring ­ (Bavière) où sont entassés des centaines de bébés abandonnés. C’est là que toute l’histoire du Lebensborn a débuté, c’est là qu’elle s’est terminée. Autre point fort du documentaire : les témoignages de citoyens norvégiens, nés de pères allemands dans les centres du Lebensborn installés en Norvège, qui racontent les sévices subis après la guerre dans leur pays.

France, la nurserie oubliée du IIIe Reich, de Laurent Marocco et Françoise-Renée Jamet (France, 2017, 70 min).