Le Médiacampus de Nantes / Audencia via Campus

Le point commun entre une maison réalisée grâce à une imprimante 3D, le développement d’une chaussure connectée ou une proposition de réaménagement des urgences ? Tous ces projets sont le fruit d’une étroite coopération entre établissements d’enseignement supérieur et de recherche (université, grandes écoles), entreprises et institutions locales nantaises. Ici, cette propension à travailler ensemble est souvent résumée par une expression, qui revient sur toutes les lèvres des décideurs politiques et économiques : « Le jeu à la nantaise ».

Issue de l’univers du football, elle rappelle la période faste du FC Nantes, durant laquelle l’équipe se connaissait si bien qu’elle jouait avec une grande fluidité et où la capacité du collectif à coopérer permettait de renverser des montagnes. « Cette ouverture est ancrée dans l’esprit de la ville, affirme Johanna Rolland, maire de Nantes. D’abord dans sa géographie, celle d’un port tourné vers le large, mais aussi dans son histoire, avec une tradition chrétienne et mutualiste, mêlée à un fort syndicalisme. »

Dans l’enseignement supérieur, les rapprochements s’intensifient, que ce soit à travers des doubles diplômes, des réflexions pédagogiques partagées, des projets étudiants ou des programmes nationaux. Financé pour trois ans dans le cadre des investissements d’avenir, « Disrupt Campus Nantes » est de ceux-là. Réunissant l’université, l’école d’ingénieurs Centrale Nantes et l’Ecole de design Nantes Atlantique, il fait travailler des équipes pluridisciplinaires d’étudiants et de salariés (groupe Eram, Weenat) sur la transition numérique, épaulés par des enseignants, des chercheurs et des experts du secteur.

Université relativement récente

« Notre politique d’ouverture tous azimuts s’explique par notre matière, le design, qui est très transversale. Mais nous sommes aussi sur un territoire favorable », explique Frédéric Degouzon, directeur de la stratégie de l’école de design, qui fête ses 30 ans cette année. Membre associé de l’université de Nantes, l’établissement noue aussi des partenariats avec de grandes écoles (Institut mines-télécom (IMT) Atlantique, Ecole supérieure du bois, école vétérinaire…).

La jeunesse de l’enseignement supérieur local – l’université de Nantes célèbre ses 50 ans – est, à ce titre, présentée comme un atout. « Les baronnies locales n’ont pas eu le temps de s’installer et cela donne à tous une dimension pionnière », salue-t-il, quand Johanna Rolland se félicite de pouvoir réunir autour d’une même table le président de l’université, Olivier Laboux, et la directrice de l’IMT Atlantique, Anne Beauval. « Ailleurs, ce n’est pas si courant », glisse-t-elle.

Entre grandes écoles aussi, l’hybridation des compétences avance. Depuis 2014, Centrale Nantes et l’école de management Audencia Nantes ont fondé une association commune, l’Alliance, à laquelle s’est jointe l’Ecole nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Nantes. Elle se concrétise par des doubles et bientôt triples diplômes en fin de cursus, un incubateur commun ou encore un groupe de réflexion sur l’innovation pédagogique qui travaille, par exemple, sur les postures corporelles des enseignants.

Incarnation physique

Après avoir réuni les étudiants en fin de cursus des trois écoles pour travailler sur la ville de demain avec entreprises et institutions locales, l’Alliance va rassembler en mars prochain les mille nouveaux élèves de chaque école pendant trois jours pour croiser leurs univers. « Les étudiants adorent découvrir des cultures professionnelles très différentes, constate Valérie Claude-Gaudillat, membre du comité de pilotage de l’Alliance et directrice de l’innovation à Audencia. Pour les équipes, c’est un sacré challenge en matière d’organisation. Mais on arrive à dépasser ces contraintes… »

« Les étudiants adorent découvrir des cultures professionnelles très différentes ». Valérie Claude-Gaudillat, membre du comité de pilotage de l’Alliance et directrice de l’innovation à Audencia.

Le jeu à la nantaise s’incarne aussi dans des lieux physiques, à l’image du Mediacampus, inauguré en septembre sur l’île de Nantes. Ce bâtiment aux lignes futuristes constitue l’une des briques du futur quartier de la création, morceau de ville en pleine construction en lieu et place des anciens chantiers navals. Il réunit en son sein une école de communication (Audencia SciencesCom), des médias ou entreprises (comme Télénantes) et des associations professionnelles.

« Dans un monde où les échanges sont toujours plus virtuels, on a besoin de lieux physiques pour se retrouver et brasser les publics, note Estelle Prusker, “Mediacampus manager”. On voit bien que les silos sont en train d’éclater au plan professionnel. Les formations hybrides doivent se multiplier sans que chaque école soit contrainte d’abandonner ses fondamentaux. »

Privilégier l’intérêt du territoire

Le pôle numérique interdisciplinaire de l’université est d’ailleurs attendu sur l’île de Nantes à la rentrée 2018 et l’école de design, en 2022. De quoi compléter la mosaïque de ce quartier qui réunit déjà l’ENSA, l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts et d’autres formations créatives, sans compter les professionnels du secteur. Si favoriser les croisements en misant sur la situation géographique des établissements n’est pas neuf, ce futur campus d’environ 10 000 étudiants « sera quasiment unique en cœur de ville », précise Francky Trichet, à la fois vice-président de l’université en charge du numérique et adjoint au maire de Nantes. Un lieu vivant, non clos, à l’image de la bibliothèque de l’école des beaux-arts, déjà ouverte au public le week-end.

Reste à savoir jusqu’où la coopération peut opérer. Si la bannière « université de Nantes » est bien identifiée à l’international, peut-on imaginer voir les grandes écoles réunies sous ce label pour renforcer leur lisibilité ? Les difficultés récentes de Centrale Nantes et de l’université à trouver un terrain d’entente pour leur rapprochement, dans le cadre du projet multipartenarial I-site NEXT, favorisant le rayonnement de la recherche et de la formation dans deux secteurs clés (la santé et l’industrie du futur), démontre que les choses ne sont pas aussi simples.

« L’intérêt du territoire doit primer sur les historiques de chaque établissement, enjoint Francky Trichet. Sinon, nous serons tous perdants. Mais je nous crois capables, à Nantes, de faire office de prototype des changements de paradigme à l’œuvre dans l’enseignement supérieur français. »

Quand chercheurs et entreprises travaillent ensemble

L’université de Nantes possède depuis plus de dix ans une filiale privée pour renforcer les liens entre monde de la recherche et entreprises. La société Capacités (dont la chambre de commerce et d’industrie est actionnaire minoritaire) propose aux entreprises de toutes tailles des prestations de recherche et développement dans neuf grands domaines (génie civil, santé, sciences humaines…). Son originalité : les chercheurs de Capacités continuent à être hébergés à l’université de Nantes (contre un loyer) « pour ne pas être coupés des laboratoires de recherche et entretenir l’innovation », précise Benoît Furet, professeur à l’université de Nantes, responsable de la cellule Robotique et procédés de Capacités. La société emploie 75 salariés et a réalisé 8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017.

Participez à « O21 / S’orienter au 21e siècle »

Pour aider les 16-25 ans, leurs familles et les enseignants à se formuler les bonnes questions lors du choix des études supérieures, Le Monde organise la seconde saison d’« O21 / S’orienter au 21e siècle », avec cinq dates : après Nancy (1er- 2 décembre) et Lille (19 - 20 janvier), rendez-vous à Nantes (vendredi 16 et samedi 17 février 2018, à la Cité des congrès), avant Bordeaux ( vendredi 2 et samedi 3 mars 2018, au Rocher de Palmer à Cenon) et Paris (samedi 17 et dimanche 18 mars 2018, à la Cité des sciences et de l’industrie).

Dans chaque ville, les conférences permettent au public de bénéficier des analyses et des conseils, en vidéo, d’acteurs et d’experts, et d’écouter et d’échanger avec des acteurs locaux innovants : responsables d’établissements d’universités et de grandes écoles, chefs d’entreprises et de start-up, jeunes diplômés, etc. Des ateliers pratiques sont aussi organisés.

Il reste des places pour participer à O21 Nantes ! Et les inscriptions sont ouvertes pour O21 Bordeaux (Cenon) et les présinscriptions possibles pour O21 Paris.

En images : les temps forts d’O21, nos conférences pour s’orienter au 21e siècle, à Nancy

Pour inscrire un groupe de participants, merci d’envoyer un e-mail à education-O21@lemonde.fr. L’éducation nationale étant partenaire de l’événement, les lycées peuvent organiser la venue de leurs élèves durant le temps scolaire.