Edouard Philippe s’est rendu au Louvre d’Abou Dhabi, samedi 10 février. / KARIM SAHIB / AFP

L’allégorie était presque parfaite. En déplacement pour deux jours aux Emirats arabes unis, Edouard Philippe a atterri à Abou Dhabi, samedi 10 février, au milieu d’un très épais et inattendu brouillard, alors que le gouvernement est affaibli en France par l’affaire Nicolas Hulot et que le premier ministre est confronté à une chute inédite de sa popularité dans les sondages. « J’ai besoin de soleil », avait confié en privé l’hôte de Matignon au moment de s’envoler pour le Moyen-Orient.

Pour affronter les déboires, l’ancien maire du Havre a heureusement une méthode, éprouvée depuis le début du quinquennat : se mettre dans les pas d’Emmanuel Macron, surnommé « le président Teflon » par certains proches, tant les difficultés semblent glisser sur lui depuis son élection en mai 2017. Une méthode qui convient bien au tempérament de M. Philippe, qui ne cesse de répéter qu’il n’a d’autre ambition que de mettre en musique la partition écrite par le chef de l’État lors de la campagne présidentielle.

Comme le président de la République, qui s’était rendu dans les émirats les 8 et 9 novembre derniers, Edouard Philippe a donc profité de sa première journée pour visiter le Louvre d’Abou Dhabi, premier musée universel du monde arabe, inauguré par M. Macron lors de sa venue à l’automne dernier. Comme le chef de l’Etat, le premier ministre s’est aussi rendu sur la base d’Al-Dhafra, où sont stationnés quelque 200 militaires français et d’où décollent des Rafale pour mener des opérations en Syrie ou en Irak, afin de rendre hommage à leur « engagement ».

Comme M. Macron, Edouard Philippe s’est surtout attaché à poursuivre le travail de persuasion engagé en janvier, d’abord au sommet « Choose France » à Versailles puis au Forum économique mondial de Davos, afin de convaincre les investisseurs internationaux de venir en France . « C’est important d’expliquer ce que nous faisons, en France mais aussi chez nos partenaires », a expliqué le premier ministre après une rencontre avec Mohammed Ben Zayed, le prince héritier d’Abou Dhabi et véritable homme fort de l’émirat. L’entretien entre les deux hommes a duré près de deux heures, un temps inhabituellement long et dans lequel l’entourage d’Edouard Philippe voulait voir de bons augures pour la suite.

Aucun contrat divulgué

Pour autant, aucun nouveau contrat ni projet d’investissement n’a été divulgué. Mi-janvier, la compagnie aérienne nationale Emirates avait passé commande de 20 nouveaux Airbus A380, redonnant de l’air à un programme européen mal en point. Mais l’option sur 16 autres appareils annoncée ce jour-là n’a pas été levée à l’occasion de la venue de M. Philippe. De la même façon, aucune nouvelle avancée quand à une éventuelle commande de 60 avions de combat Rafale, attendue depuis plusieurs années, n’a été constatée. « Ce sont des discussions au long cours, qui prennent du temps », justifie-t-on à Matignon.

« Ce que j’ai senti, c’est [un] intérêt soutenu à ce que nous faisions et aux perspectives qui s’offraient en France », s’est pour autant réjoui Edouard Philippe, évoquant notamment des projets dans l’intelligence artificielle ou la recherche médicale. Jusqu’ici, les émiratis ont essentiellement investi dans l’immobilier en France. Ce n’est qu’avec le lancement en 2014 de deux fonds d’un total de 300 millions d’euros, en partenariat avec la Caisse des dépôts, que le riche pays pétrolier a commencé à diversifier ses achats, prenant des participations dans Arc International, le cours Florent ou les maisons de retraite DomusVi.

Lors de la visite d’Emmanuel Macron en novembre, la création d’un nouveau fonds, doté cette fois d’un milliard d’euros, a été envisagée entre Bpifrance et Mubadala, le fonds souverain d’Abu Dhabi, qui gère à lui seul quelque 135 milliards de dollars issus principalement de la rente pétrolière. Celui-ci devrait surtout investir dans les startups tricolores spécialisées dans les biotechs, les énergies vertes, la télémédecine... « L’idée est de guider les émiratis pour qu’ils investissent moins dans la pierre et davantage dans l’économie réelle », explique-t-on à Matignon. Lors de son séjour aux Emirats, M. Philippe a rencontré les dirigeants de Mubadala et de Adia, l’autre fonds souverain du pays.

« Changement de perception »

« Il faut faire en sorte que notre pays soit plus attractif auprès des investisseurs étrangers, et il y a du travail », a insisté Edouard Philippe samedi soir devant plusieurs centaines de membres de la communauté française de Dubaï, qu’il avait réunis sur le « Tonnerre », un bâtiment de classe Mistral qui faisait escale dans la cité. « Depuis huit mois, la perception de notre pays a changé. Il faut utiliser ce changement de perception (...) pour accélérer encore », a ajouté le chef de gouvernement, qui était accompagné de Florence Parly, la ministre de la défense, et qui s’exprimait devant quelques chefs d’entreprises français, comme Jean Lemierre, le président de BNP Paribas, ou Jean-Yves Le Gall, le président du Centre national d’études spatiales.

Edouard Philippe devait poursuivre son entreprise de séduction, dimanche 11 février, à l’occasion du « World government Summit » de Dubaï, sorte de Davos du Moyen-Orient, où il devait prononcer un discours vantant le « France is back ». Il devait également s’entretenir à cette occasion avec le premier ministre indien Narendra Modi, l’autre invité vedette du sommet.