Perrine Laffont exulte après sa victoire. / MIKE BLAKE / REUTERS

Elle n’a pas vingt ans, mais a déjà réalisé son rêve. « J’en ai rêvé tellement de fois, je me le suis imaginé tellement, je l’ai visualisé tellement de fois et j’ai souffert tellement de fois que c’est un sentiment incroyable. Ça y est ! » Sacrée championne olympique du ski de bosses dimanche 12 février au terme d’une finale haletante, Perrine Laffont restait sur son nuage sur lequel l’avait hissé un ultime « run » (descente) sans filets. C’est elle, la gamine du Mont d’Olmes, dans les Pyrénées ariégeoises, qui a apporté à la France sa première médaille. Et du plus beau des métaux.

Dans les rêves, les titres sont plus simples à décrocher que dans la réalité, souriait la championne au sortir de la piste. « C’était la course la plus dure de toute ma vie, elle a été dure à aller chercher cette médaille. » Lessivée, les traits marqués mais heureuse, la jeune femme pouvait se jeter dans les bras de son clan, venu des Pyrénées pousser sa « Pépette » (son surnom).

Le ski, Perrine Laffont l’a découvert dès son plus jeune âge. « J’ai commencé tellement jeune que j’ai des photos où je suis à peine plus haute que les bosses. Et je skiais avec ma tétine accrochée à ma combinaison », confiait-elle à L’Equipe en amont de la compétition. Fille d’un instructeur de ski ayant décidé de monter un club de ski de bosses - présidé par sa femme - dans sa station des Pyrénées, la jeune femme a rapidement trouvé sa voie entre les sauts et les bosses.

Pas une journée sans penser à l’or olympique

Et rapidement impressionné son monde. Incapable de dominer ses larmes au sortir d’une finale ayant sacré sa pouline, son entraîneur, Ludovic Didier, se rappelle encore du talent de « la gamine » qui a rejoint l’équipe nationale de ski de bosses.

« Quand elle est rentrée dans l’équipe, elle était très jeune, et son coup d’éclat a été rapide, dès les jeux de Sotchi. Et ça n’a pas été simple de gérer les suites de cette compétition, souligne le coach heureux d’avoir mené un collectif au titre suprème, car quand à quize piges, tu te retrouves en finale olympique, il faut gérer cette pression pour se remettre des objectifs. On a énormément travaillé avec elle ».

Bosseuse, Perrine Laffont l’est bien davantage que le simple jeu de mot avec sa discipline. En larmes à Sotchi au terme de la finale l’ayant vue rétrograder de la 5e à la 14e place, la jeune femme n’a pas passé une journée depuis sans penser à son rêve d’or olympique. Quitte à « sacrifier sa jeunesse », au rythme des entraînements, déplacements et autres compétitions. Et cette finale olympique, elle l’avait préparé au maximum, ne lésinant pas sur l’entraînement là où certaines de ses concurrentes misaient sur leur fraîcheur. « On avait tout anticipé », livre Ludovic Didier, y compris « la montée en puissance progressive dans la finale. » Sixième du premier run, la Française a terminé 3e du second, avant la descente finale. Et le coach de saluer le travail de la préparatrice mentale de la jeune femme - qui l’accompagné à Sotchi-, et celui de tout l’encadrement.

Ayant accumulé quatre années d’expérience par rapport à Sotchi, Perrine Laffont arrivait en Corée « avec plus de clés entre les mains pour aller chercher une médaille » , disait-elle au Monde en début de saison. Encore fallait-il ouvrir la serrure. D’un naturel stressé, la jeune femme s’est appuyé sur un entourage familier pour canaliser sa nervosité. Et le staff a tout fait pour aborder le rendez-vous olympique « comme n’importe quelle étape de Coupe du monde », relatait Fabien Bertrand, le directeur de l’équipe de France de ski acrobatique. Privée de smartphone - et de ses tentations - à l’heure d’aborder la finale, Perrine Laffont est restée dans sa bulle jusqu’au bout.

Relation fusionnelle avec son clan

Cette sérénité, Perrine Laffont l’a trouvée grâce à ses parents, Jean-Jacques et Dominique, qui non content de l’avoir mise sur des planche dès sa tendre enfance, se sont embarqués dans une rocambolesque odyssée pour aller l’encourager en Corée. Car la course de Perrine fut inversement proportionnelle aux déboires de sa famille, avec qui elle entretient une relation fusionnelle. Bloqués à Paris en raison des chutes de neige - « un comble », s’étonnait le Pyrénéen Jean-Jacques Laffont avant la finale, le clan - car les grands parents étaient du voyage - avait dû prendre un vol imprévu, changer d’avion et enchaîner par trois heures de taxi à travers la Corée avant de débarquer juste avant l’épreuve de qualifications.

Auprès de Benjamin Cavet, son camarade de l’équipe de France, la jeune femme trouve un concurrent avec qui se tirer la bourre. « On s’aide mutuellement à se pousser vers le haut » développait-elle à l’automne, se félicitant des bons résultats d’une « team France soudée ». Bien qu’ayant raté son épreuve de qualifications vendredi (terminant 21e) et ayant une épreuve de rattrapage lundi, Benjamin Cavet n’a pas manqué une miette de la finale de sa camarade. « Ça s’enchaîne vraiment, c’est surprenant. Elles ont pas le temps de souffler », glissait-il entre les deux premiers runs de la finale, qui se sont suivis sans interruption.

A bout de souffle

Au point que Perrine a abordé le dernier des trois runs de la finale à bout de souffle. « Depuis qu’on est arrivés, on n’a pas arrêté. J’ai été à chaque entrainement. Je voulais arrêter mais mes coachs n’ont pas voulu, ils m’ont poussé jusqu’à cette médaille. » Dans cette discipline belle mais cruelle qu’est le ski de bosses, chaque descente rebat les cartes, et c’est à la fin du dernier run qu’on fait les comptes. Première de la deuxième manche de la finale, la Canadienne Andi Naude en a fait les frais ce dimanche. Ultime concurrente à s’élancer, une sortie de piste a eu raison de ses rêves de médaille. Et libéré le clan français.

Epuisée par une semaine intense, la jeune Ariégeoise a su utiliser sa fatigue pour canaliser sa nervosité : « ça m’a calmé. Je me suis dit “allez Pep, il reste un run, tu en as rêvé toute sa vie, n’aies pas de regrets”. » La « bosseuse » n’en aura pas. En revanche, elle aura besoin d’un peu de temps pour réaliser ce qui vient de lui arriver. Au point de laisser un peu d’eau franchir le barrage, après le podium. « J’ai dix-neuf ans, je ressemble à un enfant. Je ne réalise pas, je ne me sens pas prête pour ça. Mais je le veux. C’est complètement fou ». Comme un rêve qui devient réalité.