Damien Cuypers pour M Le Magazine du Monde

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ? Neymar da Silva Santos Júnior, dit tout simplement Neymar (ou « Ney », pour ses amis les plus chers), n’a pas seulement deux pieds et une tête, grâce auxquels le Brésilien a inscrit vingt-sept buts depuis le début de la saison avec le Paris Saint-Germain, mais un cœur « qui bat, qui bat, qui bat », comme disait Jules Berry dans Les Visiteurs du soir. Ou un gros melon, au choix.

Brushing et tatouages

Interrogé sur le transfert au club londonien de Tottenham Hotspur de son compatriote Lucas Moura, il a regretté « la perte d’un coéquipier de grande qualité » – ce qui est la moindre des choses de la part d’un ami –, avant de fustiger la décision des dirigeants parisiens : « Avec les qualités qu’il a, il aurait été très utile pour nous. Mais je ne suis pas le propriétaire du Paris. Et si ça n’avait tenu qu’à moi, il ne serait jamais parti » – ce qui est plus inattendu.

Neymar en défenseur des droits des footballeurs à disposer d’eux-mêmes ? Neymar en délégué de classe contestant la décision du chef d’établissement ? Qui peut encore dire que les stars du foot ne se préoccupent que de leur contrat, de leur brushing et de leurs tatouages ? Les propriétaires qataris du club parisien avaient cru, pour 220 millions d’euros, s’attacher ses talents de dribbleur. Ce n’était pas suffisant apparemment pour acheter le silence de ce nouveau Spartacus…

On a beaucoup glosé sur la sortie de Neymar. Trois interprétations (au moins) se confrontent. Pour les tenants de la première, le joueur a voulu tout simplement soutenir un de ses rares vrais amis avec lequel la vie à Paris lui paraissait plus douce – surtout quand il fait gris (soit huit mois par an, en gros). Ils ont le même âge, ils ont appris à se connaître dans les différentes sélections de jeunes des Auriverde. Ils ont partagé des rêves de gloire, un agent et peut-être la tristesse de l’exil en Europe.

Stratège

Les partisans de la deuxième, eux, font de l’attaquant un stratège qui, à travers la critique de ses dirigeants, viserait plus particulièrement son entraîneur, Unai Emery, dont il ne partagerait pas tous les choix tactiques. En prenant publiquement la défense d’un coéquipier, il assiérait une forme de leadership psychologique sur ses partenaires.

Enfin, pour les sectateurs de la troisième, Neymar n’est qu’un imbécile ou un naïf. C’est son transfert mirobolant au PSG, à l’été 2017, ainsi que celui tout aussi sonnant de Kylian Mbappé qui obligent le club à vendre des joueurs, fussent-ils des amis, pour satisfaire, au moins en partie, aux exigences du fair-play financier. Il fallait sans doute y penser avant !

Mais tout est bien qui finit bien. Alors que le PSG s’apprête à rencontrer le Real Madrid en Ligue des champions le 14 février, l’« affaire Neymar » est déjà oubliée. Dimanche, le joueur a fêté son 26e anniversaire dans les locaux parisiens d’un célèbre traiteur. Il y avait des Porsche et des Ferrari sur le parking, un DJ célèbre aux platines, du champagne dans les verres.

Son entraîneur et son président sont venus faire la fête ainsi que cinquante invités arrivés spécialement du Brésil. Il y avait même un joueur marseillais, la preuve que Neymar vit vraiment sur une autre planète. En revanche, aucune trace de Lucas Moura.