Alexis Pinturault lors de l’épreuve de slalom du combiné, le 13 février. / Charlie Riedel / AP

« Le reste, c’est du bonus. » Le directeur technique national du ski français, Fabien Saguez, aurait été dans son bon droit d’utiliser ce cliché du monde sportif, mardi après-midi à Pyeongchang, après les deux médailles de ses « combinards » Alexis Pinturault et Victor Muffat-Jeandet. Le ski alpin français s’était fixé un objectif de deux médailles sur ces Jeux olympiques et le voilà atteint après la première des neuf courses.

« Il y avait deux médailles à faire, on les a faites : objectif tenu », se satisfaisait celui qui a assigné à ses équipes un but – jamais atteint – de 20 médailles, raison pour laquelle le biathlon et le ski acrobatique ont intérêt à poursuivre leur moisson.

Le ski alpin, lui, peut souffler. En tant que sport le plus exposé des Jeux olympiques et (très) ancienne place forte des sports d’hiver français, l’alpin a récemment connu plusieurs éditions difficiles. Les deux dernières notamment.

A Vancouver, le zéro pointé avait provoqué un certain remue-ménage au sein des équipes de France avec le départ de leur directeur technique, Yves Dimier. Quatre ans plus tard à Sotchi, après de premières épreuves ratées, le spectre d’une nouvelle quinzaine blanche avait hanté les esprits et alimenté les gazettes jusqu’à l’antépénultième épreuve : Steve Missilier et Alexis Pinturault, avec l’argent et le bronze, avaient sauvé la mise dans le géant.

On restait loin des deux médailles d’or et deux médailles d’argent de 2002, record de l’histoire récente, mais c’était déjà un net progrès.

« Ça pèse sur l’encadrement, sur les journalistes et sur nous »

Cette fois, à Pyeongchang, les skieurs français sont à peu près certains que la presse les laissera tranquilles. Ce qui leur fera du bien.

« Quand on était arrivés sur les semaines techniques [slalom et géant] par le passé, il n’y avait pas eu de médaille en vitesse auparavant, et je me souviens que ça pesait dans la balance, a souligné Alexis Pinturault, dont l’expérience se limite aux JO de Sotchi mais qui a déjà vécu la même chose aux championnats du monde. Ça pèse sur l’encadrement, ça pèse sur les journalistes et, du coup, sur nous, parce qu’on ressent toutes ces tensions. L’atmosphère sera, automatiquement, bien différente. »

Cette saison, le risque d’un nouveau zéro pointé était réel et le combiné masculin constituait leur meilleure chance de médaille. Les Français arrivaient en position de faiblesse, légitimement inquiets d’une saison de Coupe du monde décevante. Tessa Worley n’enregistrait sa première victoire en géant qu’en janvier, le leader masculin Alexis Pinturault cherchait son ski en géant, et Victor Muffat-Jeandet, avec sa victoire dans le combiné de Wengen, était le seul autre Français monté sur le podium.

D’où un objectif raisonnable de deux médailles et le soulagement visible des skieurs et entraîneurs français après la course.

« On est assez sereins. Il y a une grosse envie de faire de belles choses, promettait David Chastan, le patron du Team France chez les messieurs. Il va falloir se servir de cette journée pour positiver et enchaîner sur une belle dynamique avec la descente et le super-G. Mais ça ne va pas tomber du ciel, il va falloir y mettre du sien et y croire. »

« Ça crée des envies »

Il n’est pas malheureux pour l’équipe de France que la descente masculine et le super-G féminin aient été reportés pour cause de grand vent : ce ne sont pas les épreuves dans lesquelles les skieurs français excellent.

Et mieux vaut commencer par deux médailles que par une absence du top 10, même si les descendeurs, jeudi, sont tout à fait capables de monter sur le podium sur un parcours propice aux surprises. « C’est toujours une émulation de voir les autres qui montent sur les podiums, estime Xavier Fournier, entraîneur des hommes en vitesse. Ça crée des envies, on voit que c’est du concret pour d’autres, donc, c’est toujours plus motivant. »

Le succès du combiné a d’autres vertus : elle permet de récompenser à la fois les groupes de technique (géant et slalom) et de vitesse (descente et super-G) qui, toute la saison, vivent chacun de leur côté, sauf lorsqu’il faut travailler le combiné. « Ce combiné, c’est la réunion de toute l’équipe de France, tout le monde bosse pour la même chose », rappelait Victor Muffat-Jeandet après sa médaille.

Enfin, d’un point de vue plus personnel, Alexis Pinturault et Victor Muffat-Jeandet skieront maintenant plus détendus et rassurés sur leur forme du moment. Pinturault redevient après cette performance un prétendant au podium en géant, tandis que Muffat-Jeandet a excellé dans le slalom, qu’il termine sur les spatules de Marcel Hirscher (à un centième de seconde).

« Automatiquement, quand on a déjà une médaille sur la première épreuve, je pense que ça libère vraiment quelque chose », voulait croire Alexis Pinturault.

Ce n’est toutefois en rien une garantie. En 2006, le titre olympique d’Antoine Dénériaz en descente n’avait été suivi que d’une médaille d’argent de Joël Chenal dans le géant, en fin de deuxième semaine.