Zinédine Zidane, le 26 janvier. / Paul White / AP

Que se cache-t-il derrière cette insondable impassibilité ? Tel un sphinx, Zinédine Zidane, 45 ans, fait preuve d’un flegme à toute épreuve avant la réception du Paris-Saint-Germain, mercredi 14 février, au stade Santiago-Bernabeu, en huitièmes de finale aller de Ligue des champions. Un match « à la vie, à la mort », comme le qualifie le journal espagnol El Pais. « Un combat de boxe, une finale de Ligue des champions avant l’heure », comme le précise l’entourage du Real Madrid. Devant ses proches, ses joueurs et les journalistes, l’entraîneur des Galactiques ne laisse rien transparaître.

Au micro de RTL, Zidane a tout de même tenté de déminer le terrain tout en jouant au paratonnerre alors que son avenir sur le banc des Merengues pourrait dépendre du dénouement de cette double confrontation face au PSG. « Ce qui m’intéresse, c’est ce que je suis en train de vivre, c’est le jour après jour, notre quotidien, préparer les matchs. L’avenir, personne ne le connaît, moi, je ne regarde pas l’avenir, je regarde le présent », a balayé le coach madrilène, qui affrontera les Parisiens lors de la manche retour, le 6 mars, au Parc des Princes.

Double tenant du titre, l’ex-numéro 10 des Bleus n’est guère en position de force avant la venue de Neymar et consorts. Quatrième de Liga, à 17 points du leader barcelonais, le technicien vit une saison noire, « des moments un peu plus compliqués », de son propre aveu. Le 24 janvier, l’élimination du Real en quarts de finale de Coupe du Roi par la modeste équipe de Leganés a fait couler beaucoup d’encre.

Vitrine de l’institution Real

Membre du cercle restreint des coachs couronnés à au moins deux reprises en Ligue des champions (Bob Paisley, Ernst Happel, Ottmar Hitzfield, José Mourinho, Jupp Heynckes, Pep Guardiola, Carlo Ancelotti), vainqueur de la Liga au printemps 2017, Zidane bénéficie pourtant, en théorie, du soutien sans faille de Florentino Pérez, le patron de la Casa blanca (Maison blanche), dont il fut tour à tour la recrue phare (contre 75 millions d’euros en 2001), puis le conseiller zélé et directeur sportif.

Vitrine de l’institution Real depuis son arrivée aux commandes de l’équipe, au début de 2016, l’ex-milieu des Galactiques (2001-2006) a d’ailleurs prolongé son contrat jusqu’en 2020. Mais, en parfait connaisseur des us et coutumes d’un club jadis enclin à changer d’entraîneur au moindre accroc, il connaît la règle. Onzième coach de l’ère Pérez, adulé par les socios, le Français pourrait faire les frais d’une sortie de route contre le PSG. Peu importent les liens presque filiaux entretenus depuis dix-sept ans avec Florentino Pérez.

« Il ne reste plus que la Ligue des champions au Real cette saison, relève un proche du vestiaire madrilène. Jusqu’ici, Zidane bénéficie de la confiance des dirigeants. Mais on sait que tout peut aller très vite au club. » Avant l’intronisation de « ZZ », l’Italien Carlo Ancelotti, pourtant lauréat de la Ligue des champions (avec Zidane comme adjoint) en 2014, et son successeur espagnol Rafael Bénitez avaient été démis de leurs fonctions.

Aux portes du club, on pointe toutefois le bagage culturel et l’expérience du quadragénaire, qui avait offert au Real, d’une splendide reprise de volée, le titre européen, en mai 2002. « A ce niveau-là, Zidane est tranquille. L’entraîneur est là pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions psychologiques, avance un proche de l’effectif madrilène. Il n’y a ni peur, ni panique, ni excitation. Le Real a remporté douze titres en Ligue des champions. Le but, c’est d’aller en finale et de gagner. Marcelo, Ramos, Varane, Benzema, Bale, Ronaldo, Casemiro, Modric : ils étaient tous là en 2014 lors de la décima. Cette équipe est une machine de guerre, elle joue ensemble depuis huit-neuf ans et a l’habitude de ce genre de matchs. La dimension psychologique sera importante. »

Une préparation axée sur l’impact physique

Dos au mur, Zidane a poli son image de grand frère du vestiaire. Très proche de son groupe, il a multiplié les entretiens individuels pour remobiliser ses cadres et serrer les rangs. Un climat d’union sacrée règne au sein de la Maison blanche, où les notions de stabilité et de cohésion de groupe priment. Malgré les déconvenues, l’icône assume de n’avoir pas demandé à sa direction d’effectuer des recrutements lors du mercato hivernal.

Selon L’Equipe, le coach madrilène a également rallongé les séances d’entraînement, axant sa préparation sur les courses, l’endurance et l’impact dans les duels et le travail défensif. Il s’appuie notamment sur son préparateur physique italien, Antonio Pintus, enrôlé en juillet 2016. Connu pour ses méthodes musclées et éprouvantes, ce spécialiste connaît bien Zidane pour l’avoir fait souffrir sur les pelouses, de 1996 à 1998, lorsque les deux hommes œuvraient à la Juventus Turin.

Régulièrement comparé par Florentino Pérez au défunt Alfredo Di Stefano, légende du Real et vainqueur, en tant que joueur, de cinq Coupes d’Europe des clubs champions entre 1956 et 1960, le Français parviendra-t-il à renverser la vapeur ? Samedi 10 février, la victoire (5-2) en Liga contre la Real Sociedad a mis en évidence la montée en régime des Merengues. Ce jour-là, le Portugais Cristiano Ronaldo, décevant ces derniers mois, a inscrit un triplé. « C’est de bon augure pour mercredi », a estimé Zidane.

A Santiago-Bernabeu, ce dernier pourra s’appuyer sur son trident d’attaque préférentiel, la fameuse BBC (Bale-Benzema-Cristiano Ronaldo). Et ce même si Karim Benzema, branché sur courant alternatif, essuie actuellement les sifflets des socios. Entre blessures et méforme, le trio a rarement été aligné cette saison. Mercredi, le salut du Real Madrid et de son impavide entraîneur passera par leurs trois hommes de pointe.