L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Un crooner passé de mode qui se prend à faire revivre la flamme (Quand j’étais chanteur, 2006). Un escroc déguisé en chef de chantier qui relève le défi du bien commun (A l’origine, 2008). Un inconnu qui devient célèbre du jour au lendemain (Superstar, 2012). Une grande bourgeoise, spécialiste des couacs, qui se rêve en cantatrice (Marguerite, 2015). Les admirateurs du cinéma de Xavier Giannoli, grand distillateur de fables consacrées au pacte fictionnel, ne seront pas surpris : à force de creuser, de film en film, la question de la croyance (et de ses satellites, depuis l’imposture jusqu’à la grâce), le cinéaste devait un jour relever frontalement le défi de la foi. C’est chose faite avec L’Apparition, à ceci près que ce film à « twist », impossible à étreindre, adopte une conduite plus sinueuse que rectiligne.

Ce film à « twist », impossible à étreindre, adopte une conduite plus sinueuse que rectiligne

Blessé lors d’un reportage dans une zone de guerre, où Dieu a encore son mot à dire, Jacques (Vincent Lindon), grand reporter, est rapatrié d’urgence à Paris où, par une singulière ironie du sort sur cette terre sainte de la laïcité, Dieu l’attend de nouveau, en vertu, suppose-t-on, de son ubiquité.

Il prend cette fois la forme d’un coup de téléphone en provenance du Vatican. On lui demande d’exercer sa profession au sein d’une commission d’enquête destinée à prouver la véracité ou l’imposture du récit d’une jeune fille du Sud-Ouest de la France, Anna, à laquelle la Sainte Vierge serait apparue à plusieurs reprises. S’inquiétant de la dimension que prend l’événement – pèlerins par centaines, prêtre tenté par l’insoumission, missionnaire américain adepte du Barnum apparitionnaire –, le Saint-Siège prend ses précautions.

Investigation journalistique

Eloigné de la religion de son enfance et de la foi sans leur être hostile, Jacques relève le défi de l’enquête qui lui est confiée. Au sein d’une commission très diversement constituée (du prêtre au psychiatre) lui revient la tâche la plus ingrate, celle d’enquêter selon les règles de l’investigation journalistique sur un phénomène, la vision, qui s’y soustrait par nature. Cette aporie devient, hélas, celle à laquelle se heurte le film lui-même. Requis par sa mission mais troublé par la jeune fille, le personnage interprété par Vincent Lindon – ici réduit à un personnage de taiseux qui le rend visiblement malheureux – se tient continûment au milieu du gué.

La solution imaginée par Xavier Giannoli afin de l’en tirer (une piste policière menant, tel le Saint-Esprit, à une troisième personne) fait l’effet d’un deus ex machina destiné à concilier tant l’hypothèse de la vérité que celle du mensonge. En un mot à prôner, en cinéaste qui se respecte, les vertus de l’illusion. Si subtile soit-elle, cette dialectique semble inopérante s’agissant d’un sujet aussi brûlant que la représentation de la foi au cinéma. Ici, il sera toujours préférable de trancher entre deux voies extrêmes : celle de Dreyer (Ordet) et de Rossellini (Voyage en Italie), ou celle de Bergman (Le Septième Sceau) et de Mocky (Le Miraculé).

L'APPARITION de Xavier Giannoli : BANDE-ANNONCE OFFICIELLE / TRAILER
Durée : 01:54

Film français de Xavier Giannoli. Avec Vincent Lindon, Galatea Bellugi, Patrick d’Assumçao (2 h 17). Sur le Web : distribution.memento-films.com/film/infos/85