Barack et Michelle Obama lors de la présentation de leurs portraits à la National Portrait Gallery de Washington, le 12 février. / SAUL LOEB/AFP

L’un des moments politiques de ce début de semaine s’est probablement tenu au deuxième étage de la National Portrait Gallery à Washington, mardi 13 février. En fin de matinée, une file sinueuse de plusieurs centaines de personnes progresse lentement dans la cour et les escaliers du musée pour découvrir, présenté en majesté à l’entrée de l’aile réservée aux portraits des anciens présidents, un imposant tableau représentant Barack Obama.

Tour à tour, des Américains de tous âges et de toutes origines posent avec émotion devant l’œuvre colorée de l’artiste Kehinde Wiley, dévoilée la veille par le couple présidentiel. Posé sur un décor verdoyant, piqué de quelques touches de couleurs, un Obama assis sur un fauteuil, accueille les visiteurs, l’air pénétré. Pas de sourire : l’heure est grave, suggère le visage de l’ancien dirigeant, dont la tenue décontractée, chemise blanche ouverte, bras croisés, contraste avec ce regard « présidentiel ».

Pour beaucoup, cette procession silencieuse constitue un rendez-vous qu’ils auraient attendu depuis des mois, l’occasion de rendre un hommage à « leur » président, plutôt discret depuis un an.

« C’est fort, cette présence du premier président afro-américain de l’histoire peint par un artiste afro-américain, dans un musée national, aux côtés d’anciens présidents propriétaires d’esclaves », s’émeut Dominic Jones, un jeune avocat noir de 30 ans. Pour lui, pas de doute, l’arrivée de Barack Obama dans cette collection de portraits représente bien plus qu’un événement artistique. « Avec lui entrent au musée les valeurs pour lesquelles il s’est battu et la manière dont il s’est comporté durant ses deux mandats ; c’est un homme politique mais aussi un citoyen engagé, digne », assure-t-il.

« Quelqu’un qui leur ressemble »

Lundi, lors de la présentation à la presse, entre deux blagues, l’ex-couple présidentiel n’avait pas hésité à politiser ce rite, instauré par le musée dans les années 1960. Ils avaient longuement insisté sur le choix des peintres, deux artistes quadragénaires, Afro-Américains, un homme, Kehinde Wiley, pour Barack, une femme, Amy Sherald, pour le portrait de Michelle, présenté, lui, dans la galerie des expositions temporaires.

« Kehinde élève ceux qui sont souvent hors champ et montre qu’ils méritent d’être au centre la société américaine », avait expliqué Barack Obama dans une allusion au travail de l’artiste américano-nigérian. Ce dernier est réputé pour ses portraits d’Afro-américains peints dans des postures triomphantes.

Le portrait de l’ex-président Obama par Kehinde Wiley. / KEHINDE WILEY/NATIONAL PORTRAIT GALLERY/AP

Quant à Michelle Obama, elle avait insisté sur le rôle de modèles, qu’elle incarne avec son mari. « Je pense à tous ces jeunes qui dans les années à venir viendront dans cette grande institution américaine et verront l’image de quelqu’un qui leur ressemble. » Comme en écho, Delise Bernard, une mère de famille afro-américaine, se félicite que ses trois jeunes enfants puissent voir aujourd’hui dans ces portraits « un reflet d’eux-mêmes et la preuve qu’en travaillant dur, on arrive à tout ».

Plus frontalement politique, la comparaison avec Donald Trump, s’invite spontanément dans les conversations. « Quand on voit la personne qui occupe la Maison Blanche aujourd’hui, on est gêné, horrifié. Obama me manque tellement !, soupire Balorie, une restauratrice afro-américaine venue spécialement de Virginie. Devant ce portrait je ressens ce que je ressentais lorsqu’il était président : le sens de l’honneur, une forme de protection, de l’amour. » Elle rêvait qu’Obama « fasse un troisième mandat ».

Un message d’espoir

« Ce tableau est vibrant, rafraîchissant, comme l’étaient les années Obama », témoigne Jordan Lockwood, un jeune consultant blanc de 26 ans. Lui y voit aussi un message d’espoir : « Dans cette période sombre et frustrante, cela nous rappelle à quoi peut ressembler le pouvoir et quel type de président on peut avoir. »

Devant le portrait de Michelle Obama, un visiteur s’extasie devant l’œuvre « brillante » de la portraitiste afro-américaine. Tout juste reconnaissable, l’ancienne First lady y est peinte assise, enveloppée d’une imposante robe longue, patchwork noir et blanc rehaussé de bandes colorées.

Le portrait de Michelle Obama par Amy Sherald. / AMY SHERALD/NATIONAL PORTRAIT GALLERY/AP

Mais pour Michael Hornsby, un Californien qui avait rallié l’administration Obama lors du premier mandat de l’ancien président, la qualité artistique est presque secondaire. Fier de voir ce couple entrer au musée, il se fait le porte-voix de ceux qui admirent « ces deux personnes, qui ont si bien représenté l’Amérique ».

Les portraits de Donald Trump et de son épouse Melania entreront dans la collection lorsqu’ils quitteront la Maison Blanche, indique la brochure du musée. Sans préciser l’année.