Norway's Aksel Lund Svindal skis during the men's downhill at the 2018 Winter Olympics in Jeongseon, South Korea, Thursday, Feb. 15, 2018. (AP Photo/Patrick Semansky) / Patrick Semansky / AP

Il y a deux ans, c’est de son lit d’hôpital qu’Aksel Lund Svindal avait regardé son ami Kjetil Jansrud remporter la descente de Coupe du monde de Pyeongchang. Cela lui arrive souvent. Le Norvégien affirme qu’il n’aime pas les blessures, si fréquentes chez les skieurs, mais qu’il apprécie le combat qui le ramène invariablement au sommet du ski mondial.

Jeudi 15 février, sur la piste sud-coréenne qu’il n’a pourtant découverte que le week-end passé, il a remporté le titre qui lui manquait : celui de la descente olympique, qui parachève le palmarès le plus complet de ce début de siècle, de la vitesse au géant. Voilà Aksel Lund Svindal plus vieux champion olympique de ski alpin de l’histoire, à l’âge de 35 ans.

Il y avait plus de soulagement que d’effusions au sein de l’innombrable encadrement norvégien présent dans la zone d’arrivée de la descente de Jeongseon. Les cadres techniques n’auront plus à répondre à la lancinante question de la presse nationale : quand la Norvège, pays le plus titré de l’histoire des Jeux d’hiver, décrochera-t-elle enfin l’or dans l’épreuve reine, qui lui a plusieurs fois échappé de quelques centièmes de seconde ?

Homme-sandwich

L’anomalie, Aksel Lund Svindal l’a dit, ne l’empêchait pas de dormir. Mais l’ancien a réglé la question et en cas de problème, son ami Jansrud l’aurait fait pour lui : impeccable sur le haut du parcours, le champion olympique du super-G de Sotchi n’a été devancé par son compatriote, plus rapide, que dans les derniers hectomètres. A l’arrivée, douze centièmes de seconde les séparaient et la troisième place du Suisse Beat Feuz, meilleur descendeur de la saison, dessinait un podium parfait.

Le parcours que l’on annonçait trop facile et ouvert aux surprises a finalement sacré le meilleur glisseur du monde. Un homme aux pieds en or qui, malgré sa stature de grizzly et son aérodynamique discutable, n’a pas son pareil pour prendre de la vitesse au fil des courbes. La neige très froide et abrasive des pistes de Pyeongchang, facile à skier et donc piégeuse, s’apparente à celle que les Norvégiens rencontrent chez eux, ainsi qu’en Amérique du Nord, où Aksel Svindal a ses habitudes. Il formait avec la descendeuse Julia Mancuso le couple le plus glamour du circuit – ils sont désormais séparés –, il donne à son amie Lindsey Vonn des conseils matrimoniaux et le géantiste Ted Ligety est de ses amis : le champion olympique de descente tient plus de l’Américain comique et bon client que du Norvégien fermé comme une huître.

Une chute à plus de 120 km/h sur la dangereuse Birds of Prey de Beaver Creek (Etats-Unis) le laissait inconscient, le dos cassé, le visage fracturé, une énorme entaille dans le fessier causée par son propre ski.

Depuis quinze ans qu’il balade ses spatules dans les hôtels des stations alpines, le colosse est devenu le visage avenant de nombreuses marques associées au luxe et aux sports d’hiver. Plus sûrement que Marcel Hirscher, son contemporain, pourtant le meilleur skieur de tous les temps, Aksel Svindal est l’homme-sandwich de la Fédération internationale de ski : son anglais et son allemand – il vit à Innsbruck, en Autriche – sont impeccables, ce qui lui permet de couvrir la totalité des pays de ski, et son histoire est vendeuse.

Le Norvégien est revenu de tout. Sa mère, skieuse de haut niveau, est morte en couches lorsqu’il avait 8 ans, le bébé ne lui survivant que dix-huit mois. Bjorn Svindal et ses fils Aksel et Simen se sont alors réfugiés dans le ski, dans les montagnes de Geilo, au centre de la Norvège où la famille disposait d’une hytte (petit chalet).

A 19 ans, Aksel Svindal débutait en Coupe du monde, et son petit frère suivait ses traces lorsqu’un accident lui brisa les vertèbres, ainsi que sa carrière de skieur. En 2007, la trajectoire de celui qui était, déjà à l’époque, le meilleur skieur du monde aurait pu s’arrêter, elle aussi : une chute à plus de 120 km/h sur la dangereuse Birds of Prey de Beaver Creek (Etats-Unis) le laissait inconscient, le dos cassé, le visage fracturé, une énorme entaille dans le fessier causée par son propre ski.

Les deux norvégiens Kjetil Jansrud (médaille d’argent) et Aksel Lund Svindal (or) ont pris les deux premières places de la descente, jeudi 15 février à Pyeongchang. (AP Photo/Christophe Ena) / Christophe Ena / AP

Après trois semaines d’hôpital et dix mois de convalescence, il remportait la saison suivante la descente et le super-G de Beaver Creek. Depuis, ce sont ses genoux qui lui ont causé soucis et saisons blanches. « C’est la première fois que je skie en février depuis quatre ans », s’est-il amusé après sa victoire. Il s’est à peine entraîné, hors compétition, en décembre et janvier, glisse son entraîneur suisse Reto Nydegger. « On fait super attention à son genou droit. Il s’en occupe au moins une heure par jour et fait beaucoup de vélo d’intérieur, tous les matins et après le ski. » Aksel Svindal « s’économise, vit sur ses acquis, parce qu’il sait qu’il va pouvoir le faire le jour de la course », souligne Luc Alphand, ex-meilleur descendeur du monde.

La revanche du duel entre Aksel Svindal et Kjetil Jansrud devait avoir lieu vendredi au même endroit, à l’occasion du super-G. Avec les mêmes favoris. En cas de victoire du second, l’affaire pourrait se régler aux jeux vidéo, mais il paraît que dans cette discipline, Kjetil Jansrud est imbattable.