Le premier ministre, Edouard Philippe, la députée LRM de Paris Elise Fajgeles et Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, en juin 2017, à Paris. / PATRICK KOVARIK / AFP

La nomination, mercredi 14 février, du rapporteur du projet de loi asile-immigration à l’Assemblée nationale a donné une première indication de l’humeur de la majorité au sujet de ce texte. La députée de Paris, Elise Fajgeles, a été désignée par le groupe La République en marche (LRM) pour gérer un exercice qui s’annonce délicat. Depuis plusieurs semaines, des voix d’élus LRM se sont élevées pour prôner un meilleur équilibre dans l’approche gouvernementale des questions d’immigration. Ils craignent que le texte ne penche trop du côté de la fermeté, avec l’accélération de la gestion des procédures d’asile et le renforcement des reconduites à la frontière, plutôt que des mesures sur l’accueil des étrangers.

A une semaine de la présentation du texte en conseil des ministres par Gérard Collomb, le 21 février, le choix de Mme Fajgeles n’est pas anodin. Surtout parce qu’elle a été désignée au détriment d’une autre élue : la députée de l’Essonne Marie Guévenoux. Cette dernière, fervente juppéiste et proche d’Edouard Philippe, a été jugée trop clivante, en raison de son origine politique et de son approche de ce projet de loi.

Toujours proche de Manuel Valls

Elise Fajgeles est pour sa part élue depuis 2008 sous l’étiquette socialiste à la mairie du 10arrondissement de Paris, un terrain où elle a déjà été confrontée à la question de l’arrivée et de l’accueil de migrants. Elise Fajgeles a aussi été choisie pour son parcours professionnel. Avocate de formation, qui n’a plus plaidé depuis une vingtaine d’années, elle exerçait depuis dix ans comme juriste contractuelle au ministère de la justice, en parallèle avec une activité de comédienne et metteuse en scène. Au sein du groupe LRM, elle sera épaulée par le responsable du texte Florent Boudié, un élu sortant également issu du PS. « Ce n’est pas sur la base d’un pedigree politico-biographique que l’on répartit les postes », a relativisé Richard Ferrand, président du groupe LRM, mercredi, devant l’Association des journalistes parlementaire, balayant ainsi l’idée que cette double attribution serait un signal politique.

Arrivée à l’Assemblée nationale comme suppléante de Benjamin Griveaux, devenu porte-parole du gouvernement, Mme Fajgeles ne fait cependant pas partie de la frange la plus hostile au texte. Au contraire, comme les juppéistes Marie Guévenoux et Aurore Bergé, ou comme l’ancien patron du RAID, Jean-Michel Fauvergue, elle a soutenu le ministre de l’intérieur lors de plusieurs réunions de groupe.

« Quelqu’un qui rassemble »

Etiquetée « vallsiste » depuis sa participation à la campagne de l’ancien premier ministre pour la primaire socialiste à l’hiver 2016, elle se dit toujours proche de Manuel Valls. « Je me retrouve dans sa conception de la République, de la laïcité, et la vision du vivre-ensemble qu’il a portée après les attentats de 2015 », explique-t-elle. La députée de Paris, présidente du groupe d’amitié France-Israël, partage également la conviction que « la sécurité est aussi un thème de gauche ». En septembre, elle avait fait partie des principaux défenseurs de la loi « sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme », qui préparait la sortie de l’état d’urgence en introduisant certaines dispositions aménagées de celui-ci dans le droit commun. A l’époque, elle avait notamment évoqué sa circonscription endeuillée par les attentats du 13 novembre 2015.

« Elise est quelqu’un qui rassemble et qui est à l’écoute », estime un membre de la majorité alors que tout l’enjeu va être de trouver sur ce projet de loi un compromis qui rassemblera tous les députés LRM. Un certain nombre d’entre eux veulent notamment revenir sur l’allongement de la durée d’accueil en centre de rétention (de 45 à 90 jours) ou encore les délais pour déposer un recours devant la Cour nationale du droit d’asile. « Nous ferons en sorte de viser l’efficacité prônée par le gouvernement, tout en préservant au maximum les droits individuels de personnes qui arrivent », rassure la nouvelle rapporteuse. Elle souhaite en outre que les futures auditions soient « ouvertes à tous les députés pour que chacun ait une connaissance forte des sujets en vue de formuler des contre-propositions ». Une manière aussi de les armer en vue des débats politiques, qui s’annoncent houleux.