L’entraîneur parisien Unai Emery assiste au but du Madrilène Marcelo, mercredi 14 février, à Santiago Bernabeu. / REUTERS

A dix minutes près, l’audace d’Unai Emery aurait été saluée par les observateurs. Mais les changements opérés, mercredi 14 février, par l’entraîneur du Paris-Saint-Germain (PSG) n’ont, au final, guère permis à sa formation de sortir indemne du stade Santiago-Bernabeu. Sans boussole, friable, le club de la capitale s’est effondré dans les derniers instants du match, concédant une défaite (1-3) rageante sur la pelouse du Real Madrid, en huitièmes de finale aller de Ligue des champions.

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Si Neymar et consorts semblent encore en mesure de renverser la table lors de la manche retour, le 6 mars au Parc des princes, un sentiment de gâchis prévaut au sein de l’effectif parisien. Plutôt que de s’attarder sur les occasions manquées par le trident offensif Neymar-Mbappé-Cavani, Emery a préféré pester, en conférence de presse, contre les décisions litigieuses de l’arbitre italien Gianluca Rocchi. « L’équipe a fait un bon match mais le résultat est mauvais », a-t-il maugréé.

Joute anxiogène

En français ou dans sa langue maternelle, le technicien espagnol n’a en revanche pas épilogué sur son coaching et ses choix tactiques. Pourtant, le Basque aura été le principal acteur de cette joute anxiogène.

Avant de défier son homologue madrilène Zinédine Zidane, double tenant du titre, Emery s’était ingénié à brouiller les pistes. En annonçant au vétéran et milieu italien Thiago Motta (35 ans) qu’il ne serait pas du voyage à Santiago-Bernabeu, il avait déjà fait preuve d’un certain culot. L’entraîneur parisien assumait ainsi de se priver de l’expérience de son habituelle « sentinelle ». Un « taulier » au palmarès à rallonge (deux titres en Ligue des champions) mais en manque de rythme.

Pour remplacer Motta, l’Espagnol a un temps pensé à lancer dans l’arène le chevronné Lassana Diarra, 32 ans, seule recrue hivernale du PSG et ex-pensionnaire du Real Madrid (2009-2012). Or, il a finalement jeté son dévolu sur le jeune (21 ans) argentin Giovanni Lo Celso, bluffant en Ligue 1 mais jamais titularisé jusqu’alors en Ligue des champions.

Sur le flanc gauche, Emery a également rebattu les cartes en préférant son compatriote Yuri Berchiche à Layvin Kurzawa. A 28 ans, l’ex-arrière latéral de la Real Sociedad a été soudainement propulsé sur le devant de la scène européenne alors qu’il n’avait jamais disputé le moindre match en Ligue des champions.

Prise de risque

Enfin, ultime changement notable, l’entraîneur du PSG a sidéré les observateurs en reléguant sur le banc des remplaçants son capitaine et défenseur central Thiago Silva, 33 ans. Placé au premier rang des accusés après la « remontada » (6-1) du FC Barcelone au Camp Nou, le 8 mars 2017, en huitièmes de finale du tournoi, le Brésilien, dont les fragilités psychologiques sont manifestes, a appris le matin du match à Madrid qu’il céderait sa place au jeune Presnel Kimpembé (22 ans). Etincelant lors du match aller (4-0) contre les Catalans la saison passée, ce dernier a été robuste et vigilant à « Bernabeu », malgré son manque d’expérience.

En associant Kimpembé et Marquinhos en charnière centrale, Emery a pris un risque sur le plan politique : son vestiaire et ses dirigeants n’ont guère l’habitude de voir la hiérarchie ainsi bousculée. Très contrarié, maussade, Thiago Silva n’a d’ailleurs pas pris part à l’échauffement avec les « coiffeurs » avant le coup d’envoi.

Soucieux de rajeunir ses troupes face au défi athlétique proposé par le Real Madrid, l’audacieux entraîneur du PSG n’a pas été récompensé. Loin de là. A l’instar de Yuri Berchiche, Giovanni Lo Celso a livré une piètre prestation. Dépassé par les événements, l’Argentin a provoqué le penalty transformé, peu avant la mi-temps, par l’inusable Cristiano Ronaldo. Son erreur a totalement relancé les Merengues et électrisé le public de Santiago-Bernabeu, paquebot ancré dans le quartier d’affaires de Madrid.

Particulièrement tendu au bord du terrain, volontiers querelleur, Emery a également étonné les spectateurs en sortant prématurément du terrain son buteur Edinson Cavani, remplacé (à la 66e minute) par le défenseur droit Thomas Meunier. Quitte ainsi à faire reculer son équipe, incapable d’endiguer les vagues du Real en fin de match.

Un fossé culturel

Les divers changements opérés par Emery ont eu aussi pour conséquence de creuser encore davantage le fossé culturel qui sépare son équipe des Madrilènes. Avec 800 matchs cumulés en Ligue des champions au compteur, le onze aligné par Zidane était nettement plus aguerri que celui composé par le technicien basque (350 rencontres, dont 106 pour le Brésilien Daniel Alves). Quatrièmes de Liga, à dix-sept points du leader barcelonais, les protégés de « ZZ » ont fait preuve d’autorité. Dos au mur, Cristiano Ronaldo (33 ans), auteur d’un doublé, Sergio Ramos (31 ans), Luka Modric (32 ans) et Marcelo (29 ans), buteur, ont tenu leur rang devant un public enamouré.

Zidane a d’ailleurs été applaudi à son entrée dans l’auditorium de Santiago-Bernabeu. Les journalistes espagnols l’ont félicité d’avoir titularisé le prodige Isco à la place de l’attaquant gallois Gareth Bale. Un choix particulièrement judicieux.

Les entrées tardives de Lucas Vasquez et de Marco Asensio ont également été saluées par l’assemblée. « La Ligue des champions est une compétition importante pour le club, a souri Zidane, en position de force avant la manche retour. La victoire est totalement méritée par rapport à ce qu’on a fait, ce qu’on a préparé, mis en place. »

« Optimiste », son homologue parisien va, lui, devoir trouver la bonne formule avant la réception au Parc des princes des Merengues, douze fois vainqueurs de l’épreuve. Alors que ses dirigeants lui ont fixé comme objectif minimal de hisser ses joueurs en demi-finales du tournoi, Emery se relèverait difficilement d’une nouvelle élimination en huitièmes face à un « grand » d’Espagne.