Série sur Arte à 20 h 55

Bande annonce Occupied saison 2
Durée : 00:55

Devenu premier ministre de Norvège, l’ancien militant de Greenpeace Jesper Berg met son programme à exécution sans louvoyer. Pour lutter contre le changement climatique, il décide d’arrêter toute exploitation des sources gazières et pétrolifères du pays, et coupe ainsi court à l’approvisionnement de ses voisins européens et russe, qui vont alors s’allier pour mettre fin à une telle vue de l’esprit, une telle lubie d’idéologue.

C’est ainsi que, sous l’œil approbateur des Etats-Unis et de l’Union européenne, la Russie envahit la Norvège. « En douceur ». Installant ses unités militaires dans les îles et ses forces de sécurité dans la capitale aussi discrètement que tombe la neige. Laissant chaque citoyen à même de vivre comme toujours, dans la tranquille opulence d’une Norvège riche de son or noir. La saison 1 s’achève sur la menace d’un conflit.

Lorsque le romancier norvégien Jo Nesbø, un des maîtres du polar nordique, propose cette idée de série à la télévision norvégienne – pour en laisser l’écriture à des scénaristes –, le ressort dramatique de l’invasion de la Norvège par la Russie apparaît un peu osé aux yeux des instances décisionnaires. Mais le romancier souhaitant nous amener à nous interroger sur ce qu’il ferait face à la mise en péril de la paix – quelle que soit l’identité des auteurs d’une telle forfaiture –, la série est mise en écriture. Elle commence même à être tournée lorsque la Russie annexe la Crimée, en mars 2014. Ce qui, au-delà des grandes qualités d’écriture de la première saison de la série Occupied, lui apporte un lustre d’actualité inattendu.

Ingeborga Dapkunaite et Eldar Skar dans « Occupied », saison 2, par Erik Skjoldbjærg. / YELLOW BIRD NORGE/ARTE

Lorsque débute la deuxième saison, qu’Arte diffuse à partir de ce jeudi 15 février, de nombreux mois ont passé depuis la saison 1 : remplacé par un fantoche, l’ancien premier ministre écologiste s’est exilé en Europe (rien à voir avec un certain Puigdemont), car en sous-main, les véritables maîtres du jeu politique norvégien se trouvent au Kremlin, représenté par l’ambassadrice de Russie à Oslo.

Une guerre éclair a bien eu lieu entre les deux pays, mais elle s’est déroulée dans l’intervalle entre les deux saisons et ne donne lieu à aucune image, comme l’a indiqué le showrunner d’Occupied, Erik Skjoldbjærg : « Après les attentats de Paris, nous avons estimé qu’il y avait des limites à la violence que l’on pouvait ou devait montrer, des limites à ce que l’on peut accepter sur écran, ce qui explique que la saison 2 commence alors que les Russes sont déjà passés maîtres du territoire. »

Que la mainmise d’un pays sur un autre soit le fait de la Russie ou d’une autre entité fictive importe peu ici, en réalité. Seul compte, pour l’inspirateur de la série, Jo Nesbø, le redoutable et inévitable questionnement auquel il soumet les personnages de la série autant que ses spectateurs : quel choix faire face au totalitarisme ? Pour sa part, depuis la fin de la première saison, l’ancien premier ministre Jesper Berg est clairement passé de l’idéalisme au pragmatisme, d’aspirations écologistes à la résistance politique. Avec un enjeu géopolitique : seule sa capacité d’unir une grande partie de l’Union européenne contre la Russie lui permettra d’inverser la donne.

An Attempted Assassination ('Occupied' Episode 2 Clip)
Durée : 02:44

Usant des jeux vidéo pour communiquer de manière cryptée avec son pays, voyageant de pays en pays pour engager les Européens à ses côtés, il continue d’être un personnage éminemment intéressant parce que l’on n’est jamais certain de ce qui, au final, le motive : lutter pour la libération de son pays, ou récupérer le pouvoir à titre personnel ? La série n’en faisant jamais un personnage suffisamment sympathique pour que l’on ne doute pas de lui, se pose constamment la question : en quoi la résistance se différencie-t-elle du terrorisme ?

Faute de ressort dramatique aussi intense qu’en saison 1, maintenant que l’envahisseur est installé, cette saison-ci s’intéresse avant tout à la subtilité du sens que les personnages accordent à la liberté d’un côté, à la sécurité d’un autre. « On a plus ou moins tous le sentiment, en Europe, que la démocratie est bien installée et ne peut être renversée. On voulait explorer comment elle peut s’effriter, par tout petits changements », a expliqué le showrunner d’Occupied.

De fait, la force de cette saison réside bien moins dans son aspect géopolitique – en réalité peu intéressant – que dans les drames humains qui traversent les personnages. Chacun, politique ou simple citoyen, étant constamment amené à se poser cette question : en qui puis-je avoir confiance ?

Occupied, saison 2, par Erik Skjoldbjærg, sur une idée originale de Jo Nesbø.Avec Janne Heltberg, Henrik Mestad, Eldar Skar, Ingeborga Dapkunaite (Scand.-Fr., 2017, 8 × 45 min). Disponible trente jours en replay.