Julia Pereira de Sousa-Mabileau, 16 ans et une médaille olympique. / MARTIN BUREAU / AFP

L’image résume tout. Alors que Julia Pereira de Sousa-Mabileau saute sur le podium et serre le poing gauche, Chloé Trespeuch passe devant elle la tête basse. Arrivée cette année au sein de l’équipe de France, la première – 16 ans et des poussières – s’est adjugé l’argent lors de la finale du snowboardcross dames, vendredi 16 février, aux Jeux olympiques de Pyeongchang. Son aînée, en bronze à Sotchi, a vu ses rêves de titres se briser en finale, terminant à la 5e place.

« Je n’arrive pas à réaliser, c’est incroyable », souffle la vice-championne olympique extatique, redescendue de son podium mais pas de son nuage. Et de s’exclamer quand on lui décline son nouveau CV argenté : « Ça me donne envie de pleurer. » Et pleurer, elle l’avait déjà fait, sitôt franchie la ligne d’arrivée.

« T’as 16 ans, et maintenant t’as une médaille olympique »

« Ma première réaction, ça a été de chialer, j’en pouvais plus, raconte la benjamine de l’équipe de France de boardercross, chaleureusement félicitée par son illustre aîné Pierre Vaultier à l’arrivée. Je me suis dit : “T’as 16 ans, t’en as rêvé, et maintenant t’as une médaille olympique”. C’est énorme. »

Meilleure équipe de la planète avec quatre filles classées parmi les toutes meilleures mondiales, c’est peu dire qu’un attendait des médailles en bleu-blanc-rouge, vendredi, du côté du snowboardcross. Tout juste sacré pour une seconde fois, jeudi, Pierre Vaultier confessait « beaucoup croire en les chances de cette équipe, composée d’individualités remarquables ». En revanche, ni lui ni personne n’avait prévu que Julia tirerait son épingle du jeu d’une épreuve où les cartes sont perpétuellement rebattues. A part elle.

Avec toute la fraîcheur de sa jeunesse, la camarade de classe de Tess Ledeux (une autre chance de médaille française samedi, en ski slopestyle) avait prévenu en arrivant à Pyeongchang : pas question de débarquer sur la pointe des pieds, elle « [pensait] clairement à la médaille ».

Elle plaque le ski pour le snow à 9 ans

La rideuse d’Isola 2000 est décidée et directe. « Elle est aussi joueuse et dans ce sport il faut être joueuse, explique Luc Faye, directeur du snowboard hexagonal. Elle ne se pose pas de questions. » Un avantage au snowboardcross, discipline simple à comprendre (le premier arrivé en bas a gagné) mais ardue à exécuter. C’est mathématique : lorsque six concurrentes dévalent en même temps une piste faite de creux et de bosses large de quelques mètres, à moins de stratégie minutieuse et d’une maîtrise totale de sa trajectoire, il y a des chances de finir les genoux dans la neige.

A l’âge de 9 ans, la jeune fille de Saint-Cézaire-sur-Siagne (Alpes-Maritimes) décide de planter spatules et bâtons pour se focaliser sur la planche sur neige. Elle expliquait en décembre à Ski Chrono avoir choisi d’abandonner le ski, qu’elle pratique depuis ses 2 ans, sur un coup de tête. « J’étais en cours de ski et ça s’est mal passé. J’étais furieuse lorsque je suis allée voir ma maman en pleurant pour lui dire que je voulais m’orienter sur le snowboard. »

Pour le plus grand bonheur de l’équipe de France. En obtenant un podium à l’âge de 16 ans, 4 mois et 26 jours, Julia Pereira est devenue la plus jeune médaillée française des JO d’hiver. Pourtant, sa journée avait mal débuté.

Face aux meilleures de la discipline

« Je n’étais vraiment pas bien, en plus j’avais froid, expliquait-elle après la finale. Et une fois que le premier run [manche] est passé, ça m’a mis un coup de chaud. » Seule Française à devoir passer par la seconde manche de qualifications pour se hisser en quarts de finale, la jeune fille y parvient, et enchaîne les manches efficaces jusqu’en finale. Entre-temps, Charlotte Bankes et Nelly Moenne-Loccoz ont été éliminées de leur demi-finale. Seule Chloé Trespeuch l’accompagne, côté français, face aux meilleures de la discipline. Championne olympique en titre, leader de la Coupe du monde, ancienne s’étant maintenue au meilleur niveau… Les cinq concurrentes de Pereira étaient des pointures.

Mais les aléas du snowboardcross ont favorisé la jeune fille. Bien partie, Chloé Trespeuch a été contrainte de choir pour éviter Julia Pereira en retombant d’un saut, hypothéquant ses chances de médailles. « Sur la dernière table, je reviens un peu à l’aspi, et en l’air, je vois que je suis juste au-dessus de Julia et qu’il y a des chances que je la fauche, donc je m’écrase un peu », a développé la médaillée de bronze olympique (à Sotchi, en 2014), abattue par son échec.

Marquées par leur résultat, décevant pour elles, les « anciennes » de l’équipe (Trespeuch a 24 ans, Bankes 22 et Moenne-Loccoz 27), étaient à peine réconfortées par la médaille de leur benjamine. « C’est une consolation, concède Charlotte Banks. Ça montre le travail du staff de l’équipe de France. C’est la petite jeune qui sort, et vraiment elle a bien ridé aujourd’hui, donc c’est cool. Mais les autres, on est un peu toutes déçues. »

Julia Pereira de Sousa-Mabileau compte bien profiter de son succès dans un sport, après tout, individuel. « Je ne me cacherai pas ma joie, on parle des JO, c’est une médaille olympique. Je suis tellement fière de ce que j’ai fait. »