Campus de l’École polytechnique. / J. BARANDE / Ecole polytechnique / CC BY-SA 2.0

Décrocher la « marque » d’une grande école d’ingénieurs sans passer par la case prépa et le concours ? Encore impensable il y a quelques années, ce petit ­miracle est en train de devenir possible. Deux écoles ont lancé leur ­cycle post-bac en trois ans. L’Ecole nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam) a démarré en 2014, avec un bachelor de technologie. L’Ecole polytechnique a embrayé à la rentrée 2017 avec son programme.

Pour autant, la ressemblance s’arrête là, car les deux cycles ont des ambitions et ciblent des étudiants très différents. Le bachelor des Arts et Métiers, exclusivement destiné aux bacheliers de la filière STi2D (baccalauréat sciences et technologies de l’industrie et du développement durable), a été conçu dans l’objectif de « soutenir cette filière technologique et permettre l’insertion professionnelle des élèves à bac +3 », souligne Laurent Champaney, directeur ­général de l’Ensam. « Pour les élèves pour lesquels l’orientation vers un bac technologique a pu être ­vécue comme un échec, c’était aussi l’occasion de rectifier le tir, en quelque sorte », précise-t-il.

« La question était de savoir comment faire venir des étudiants internationaux de haut niveau »

A Polytechnique, le propos est tout autre. Avec son programme bachelor, le campus de Saclay souhaite attirer les meilleurs étudiants internationaux dès leur entrée dans le cycle supérieur, face à la concurrence de grandes universités scientifiques, anglo-saxonnes notamment. « Polytechnique est surtout connue en France, et le monde est vaste, note Frank Pacard, directeur de l’enseignement et de la recherche de l’X. La question était de savoir comment faire venir des étudiants internationaux de haut niveau dans une école comme Polytechnique, en concurrence avec de nombreux établissements dans le monde. »

Avec plus de 65 % d’étudiants ­internationaux recrutés dans le programme dès la première ­année – parmi les 71 étudiants, pas moins de 32 nationalités sont représentées ! –, cet objectif semble d’ores et déjà atteint. Skander Moalla, étudiant tunisien, féru de maths et d’informatique, a ainsi postulé à Polytechnique alors qu’il envisageait d’intégrer une université américaine. Il a opté pour l’école française « parce qu’il était plus facile d’y faire une double majeure qu’aux Etats-Unis ». Et que les frais de scolarité (de 12 000 à 15 000 euros par an), s’ils sont équivalents à ceux d’une université britannique, restent deux à trois fois moins élevés qu’outre-Atlantique. Clara Montagnes, qui a passé le bac à Singapour après sept ans en Asie, ­apprécie le côté multiculturel : « Je pouvais étudier en France avec un cursus en anglais, tout en continuant les cours de chinois. »

Bien loin de ces considérations, les étudiants du bachelor de ­technologie des Arts et Métiers, tous issus de la filière technologique, apprécient avant tout l’aspect concret de leur formation. « Après le bac, je ne voulais absolument pas faire une prépa, ce n’est pas du tout le type de formation qui me convient, assure Benjamin Saudreau, 22 ans, fraîchement ­diplômé de la première promotion. Je voulais, au contraire, comprendre au plus vite le monde de l’entreprise. »

Proximité du terrain

Répartis sur les campus de ­Châlons-en-Champagne, Angers, Bordeaux-Talence ou Lille, les étudiants, qui s’acquittent de droits d’inscription de 185 euros par an, font trois stages au total (un mois en première année, deux mois en deuxième année et six mois en troisième année). « Et la pédagogie se rapproche de celle de la filière STi2D, avec beaucoup de travaux en groupe, de projets et d’apprentissage des procédés de production », se félicite Yoanna Duzert, étudiante en troisième année.

Cette proximité du terrain ne nuit pas, au ­contraire, aux ambitions de ces jeunes gens qui n’imaginaient pas forcément leur avenir aux Arts et Métiers. Yoanna Duzert est désormais ­décidée à décrocher son ­diplôme d’ingénieur Ensam en alternance, dans la filière « gestion et prévention des risques ». Quant à Benjamin Saudreau, il a intégré, à l’issue d’un concours spécifique, le prestigieux campus de Cluny.

Une surprise aussi pour la direction de l’Ensam, qui pensait former des jeunes pour qu’ils intègrent la vie active. Au total, sur les 42 étudiants de la première promotion, seuls deux sont entrés dans la vie professionnelle. Tous les autres ont décidé de poursuivre leurs études.

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Le Monde publie, dans son édition datée du jeudi 15 février, un supplément dédié au bachelor, ce cursus de trois années qui séduit les bacheliers pour son enseignement concret, sa proximité avec les entreprises et son incroyable ouverture à l’international. Plus accessible qu’une classe prépa, le bachelor ouvre des perspectives en termes d’insertion professionnelle comme de poursuites d’études. Est-il la prochaine révolution du supérieur ou un miroir aux alouettes ?

Les différents articles du supplément seront progressivement mis en ligne sur Le Monde.fr Campus, dans la rubrique bachelor