Jean-Claude Mailly (à gauche) et Michel Beaugas, de Force ouvrière, arrivent à Matignon le 25 juillet 2017. / BERTRAND GUAY / AFP

Les syndicats et le patronat aiment tellement passer du temps ensemble qu’ils ont décidé de prolonger leurs échanges sur la réforme de l’assurance-chômage. La sixième séance de négociations qu’ils ont tenue, jeudi 15 février, à ce sujet, était censée être conclusive mais, faute de parvenir à un compromis, les protagonistes se sont octroyé une semaine de plus, dans l’espoir – très fragile – qu’elle leur permettra de ficeler un accord. A l’origine du blocage, il y a, une fois de plus, la question de la prolifération des contrats courts, que les organisations d’employeurs refusent de juguler en instaurant des pénalités financières. Les confédérations de salariés, excédées, en appellent au gouvernement pour qu’il clarifie sa position et pour qu’il pèse dans le débat.

Lors du précédent round de discussions, la délégation patronale avait émis des propositions, jugées très insuffisantes par les syndicats, pour combattre la précarité. Elles se bornaient à l’idée d’ouvrir des négociations dans trois secteurs fortement consommateurs de CDD : l’hôtellerie-restauration, le monde de l’action sociale et médico-sociale, l’intérim. Le dispositif envisagé n’était assorti d’aucune sanction si les parties en présence étaient incapables de s’entendre sur une réduction des contrats courts.

Jeudi, le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ainsi que l’Union des entreprises de proximité (artisanat, commerce, professions libérales) ont amendé leur copie en y incorporant quelques – menues – concessions : en dehors des trois secteurs d’activité déjà évoqués, le nouveau texte mentionne que les autres branches professionnelles sont « invitées » à élaborer des mesures en faveur de « l’installation durable dans l’emploi ». Rien n’est prévu si ce processus de réflexion ne démarre pas ou demeure infructueux.

« Bonus-malus »

Les représentants des syndicats ont, sans surprise, trouvé que ce n’était pas à la hauteur des enjeux. « Le patronat a fait semblant de faire une avancée », a commenté Michel Beaugas (FO). Pour lui, comme pour les autres chefs de file d’organisations de salariés, la dernière mouture du projet d’accord est beaucoup trop timide : elle se contente de recommander aux branches de négocier mais sans les y obliger – sauf pour les trois qui avaient été mises en avant au départ et qui sont tenues, elles, de discuter. Or, a poursuivi M. Beaugas, un tel mécanisme avait déjà été mis en place dans la convention d’avril 2017 fixant les règles de fonctionnement de l’assurance-chômage : « On invitait aussi les branches à travailler [sur cette thématique de la précarité]. On a vu ce qu’elles ont fait : elles n’ont pas travaillé. »

Jugeant la rencontre de jeudi « particulièrement consternante », Véronique Descacq (CFDT) a, tout comme ses pairs des autres confédérations, lancé cette exhortation : « Il faut que le gouvernement prenne la parole. » La numéro deux de la centrale cédétiste veut qu’il soit clairement affirmé qu’en cas d’échec des discussions au sein des branches, l’exécutif appliquera le bonus-malus – une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron qui vise à réclamer un surcroît de cotisations aux employeurs abusant des CDD. « On veut une sanction, on veut des réponses du gouvernement », a martelé Eric Courpotin (CFTC). « Le mieux serait qu’il nous l’écrive », a renchéri Jean-François Foucard (CFE-CGC).

Sollicité par Le Monde, le cabinet de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, fait valoir que le vœu des syndicats a déjà été exaucé : la feuille de route transmise, le 14 décembre 2017, aux partenaires sociaux pour cadrer les discussions sur l’assurance-chômage précise que « le gouvernement prendrait ses responsabilités, par exemple via la mise en œuvre d’un système de bonus-malus », si aucune mesure satisfaisante n’était adoptée par les négociateurs. L’entourage de Mme Pénicaud ajoute avoir donné les assurances souhaitées par les centrales de salariés, jeudi soir, après la séance de négociations.

« Le gouvernement a-t-il vraiment envie de dire au patronat : “Rallongez [la durée] des contrats” ? On a quelques éléments pour penser (…) que ce n’est pas le cas », a confié Denis Gravouil (CGT). « Jupiter a parfois des failles », a, de son côté, glissé M. Beaugas. En d’autres termes, la confiance règne. La CGT envisage de ne pas se rendre à la prochaine et ultime rencontre consacrée à la réforme de l’assurance-chômage, qui est programmée le 22 février. Si le nouveau projet d’accord remis par le patronat, peu avant ce rendez-vous, ne dit pas un mot sur les sanctions, « on ne va même pas se déplacer », prévient, pour sa part, M. Courpotin.