Alexis Pinturault a obtenu sa première médaille de bronze aux Jeux olympiques, après deux d’argent, dimanche 18 février. / ALESSANDRO TROVATI / AP

On ne pourra plus dire qu’Alexis Pinturault n’est pas l’homme des grands rendez-vous. « On pourra dire qu’Alexis Pinturault n’est pas l’homme des Mondiaux, mais les Jeux, ça l’air de plutôt bien fonctionner », s’amuse le Français. Le skieur de Courchevel vient de décrocher sa troisième médaille olympique, dimanche 18 février en bronze sur le slalom géant. Loin derrière le souverain Marcel Hirscher, mais à quatre centièmes de secondes – qui lui « restent un peu là » – du Norvégien Henrik Kristoferssen.

L’homme dont on disait qu’il ne supportait pas la pression des championnats, lui si régulier en Coupe du monde, vient d’en apporter un démenti cinglant à Pyeongchang, quatre jours après l’argent du combiné, là encore derrière Hirscher.

Ils ne sont pas nombreux les Français à pouvoir accrocher, sur leur cheminée ou dans le placard à balais, trois médailles olympiques de ski alpin : Henri Oreiller (1948), Jean-Claude Killy (1968) et Franck Piccard (1992), en tout et pour tout. Bien sûr, il en manque une en or, mais Alexis Pinturault a le malheur de vivre à l’ère Hirscher. Et puis, à Pékin, en 2022, il n’aura que 30 ans.

Tir groupé

C’est tout le géant français qui s’est remis la tête à l’endroit sur la piste de Yongpyong, confirmant son tir groupé de la première manche par une deuxième tout aussi solide : quatre hommes dans les sept premiers en bas (Thomas Fanara 5e, Victor Muffat-Jeandet 6e et Mathieu Faivre 7e). Certes, l’épreuve par équipes n’a lieu que samedi 24. Mais hormis Mathieu Faivre, « dégoûté » (« Si vous savez ce que j’en ai à faire du tir groupé collectif… C’est vraiment le dernier de mes soucis, moi je suis là pour ma pomme. »), tous les Bleus se satisfaisaient d’un retour au premier plan dans la discipline préférée de l’équipe de France, son assurance-vie en grand championnat.

La saison avait été compliquée, avec seulement deux podiums – ceux de Pinturault – contre huit la saison passée, et des questionnements permanents sur le matériel à la suite d’un changement de réglementation sur la longueur des skis. « Le potentiel était toujours là, on avait des incides !, assure Frédéric Perrin, l’entraîneur du groupe. Alors on a été proche d’eux et on n’a jamais perdu les pédales, jamais été dans l’affolement, dans l’inquiétude, on a gardé le cap. »

« Il faut que je prenne beaucoup de risques »

Pinturault n’était monté que deux fois sur le podium cette saison, dont une fois sur la plus haute marche à Val-d’Isère. / CHRISTOPHE ENA / AP

Alexis Pinturault, lui, a connu une éclaircie en janvier, lorsqu’il a enfin trouvé le matériel qui lui convenait, et a abordé les Jeux olympiques en se disant qu’il devrait produire un ski agressif compte tenu de son niveau, moyen, de l’année. Ce qu’il a fait ce dimanche, quitte à partir à la faute dans la première partie de la deuxième manche.

« J’ai fait des fautes, mais c’était le seul moyen pour espérer quoi que ce soit, confirme le Français. Je n’ai vraiment aucune marge cette année en géant. Je reviens d’assez loin, il faut que je prenne beaucoup de risques pour pouvoir me rapprocher des meilleurs. »

Pinturault, trop perfectionniste pour être vraiment épanoui et parfois trop conservateur sur les skis, semble s’être libéré à Pyeongchang, à la fois personnellement et dans son ski.

Les deux médailles récompensent son approche nouvelle des Jeux olympiques, visant à arriver plus décontracté et reposé physiquement que lors des championnats du monde. Alexis Pinturault, une seule fois médaille en individuel en quatre Mondiaux, s’y présentait éreinté physiquement et nerveusement par l’incessante course aux points du classement général de la Coupe du monde, sa quête ultime.

« J’arrivais la tête dans le seau, fatigué. Je suis quelqu’un qui a besoin de prendre du plaisir sur les skis, de m’amuser. Et la routine, le fait que les courses s’enchaînent tout au long du mois de janvier, a tendance à atténuer cette motivation. Je pense que c’est ce qui a constitué le problème. »

« Un système dans lequel tout le monde se sent bien »

Avant les Jeux, Pinturault s’est accordé une coupure de cinq jours au Japon, à Okinawa, avec sa compagne et attachée de presse, Romane, et son préparateur physique, mis à disposition par son sponsor personnel. Le staff de l’équipe de France, auquel il est moins intégré que par le passé, « lui a ouvert les yeux sur le positif », explique Frédéric Perrin, lui-même surpris des Jeux réussis de son poulain.

L’an dernier, l’échec collectif des Mondiaux de Saint-Moritz avait provoqué des échanges musclés entre le clan Pinturault et la Fédération, qui lui reprochait de séjourner à part, dans un hôtel payé par son sponsor.

« Je remercie aujourd’hui la Fédération sur ce qu’ils ont su mettre en place, le fait qu’ils nous aient tous écouté. On a construit un système dans lequel tout le monde se sent bien, estime l’athlète. Oui, en début de saison, on n’a pas eu les mêmes résultats que par le passé, mais je pense que c’est dû à de toutes petites choses. Les choses ont l’air de se remettre doucement dans le droit chemin. »

Tout juste au bon moment. En fin de semaine prochaine se profilent le slalom, dans lequel Alexis Pinturault a récemment retrouvé des couleurs, et l’épreuve par équipes, dont la France est championne du monde en titre. Aucun skieur français n’a jamais remporté quatre médailles olympiques.