Kevin Durant et LeBron James, en décembre 2017. / Kyle Terada / USA TODAY Sports

« Fermez-la et dribblez ! »

Non, ce ne sont pas les dernières consignes des entraîneurs Gregg Popovich ou Steve Kerr, alors que l’on se rapproche du All-Star Game, le match de gala opposant les meilleurs joueurs de la NBA, dimanche 18 février. Ces mots viennent d’une présentatrice de la chaîne conservatrice Fox News, Laura Ingraham, et ils sont adressés à deux stars du championnat de basket américain : LeBron James (Cleveland Cavaliers) et Kevin Durant (Golden State Warriors). Une insulte prononcée sur le plateau de la chaîne, en leur absence.

Pourquoi tant de haine ? Il faut remonter quelques heures auparavant. La journaliste de Fox News a visiblement peu goûté les propos politiques anti-Trump des deux hommes, audibles dans une interview diffusée plus tôt dans la journée pour le site Internet « Interrupted », plateforme vidéo cocréée par James.

Kevin Durant x LeBron James x Cari Champion | ROLLING WITH THE CHAMPION
Durée : 16:45

Au milieu de la conversation, au volant, LeBron James a évoqué dimanche sa prise à partie du président américain Donald Trump, qualifié de « clochard » au mois de septembre 2017. Une manière de répondre au président qui avait retiré son invitation à toute l’équipe des Golden State Warriors, champions NBA en titre, quand Stephen Curry, la star des Warriors, avait annoncé qu’il refuserait de l’honorer.

Lebron James poursuit :

« Le climat est extrêmement tendu. Le numéro un des États-Unis est quelqu’un qui ne comprend pas les gens, et qui s’en bat les couilles. Quand j’étais petit, il y avait trois emplois dans lesquels on cherchait l’inspiration. Il y avait le président des États-Unis, le meilleur athlète, et le plus grand musicien du moment. On ne pensait pas toujours la même chose qu’eux, mais on pouvait y trouver une source d’inspiration. […]
Je ne ressens pas ça aujourd’hui avec le président des États-Unis. Si l’on ne peut pas changer ce qui sort de sa bouche, on peut continuer à alerter les gens qui nous regardent, qui nous écoutent, et leur dire que ce n’est pas le bon chemin à suivre. Ce n’est pas une surprise quand il dit quelque chose. C’est ridicule, et effrayant. »

« Vous êtes de bons joueurs, mais personne n’a voté pour vous »

Vient ensuite le tour de Kevin Durant de s’exprimer sur le président américain :

« Tout tourne autour du leadership, et j’ai appris ça avec le basket. Il faut donner aux gens les moyens de faire quelque chose, les encourage, c’est ce qui fait une bonne équipe. Et j’ai le sentiment que notre pays n’est pas dirigé par un bon entraîneur. »

Forcément la séquence n’a pas plu à beaucoup de monde dans le camp Trump. Laura Ingraham, un temps pressenti pour devenir porte-parole de la Maison Blanche, et présentatrice sur la chaîne Fox News, a donc pris quelques minutes dans son émission pour s’en prendre aux deux hommes (ainsi qu’à leur façon de s’exprimer).

« Est-ce qu’ils sont obligés de tchatcher comme ça ? Malheureusement, de nombreux enfants, et quelques adultes, prennent ces commentaires idiots au sérieux. C’est toujours une mauvaise idée de demander un conseil politique à quelqu’un payé 100 millions de dollars pour faire rebondir une balle. Oh, et LeBron et Kevin : vous êtes de bons joueurs, mais personne n’a voté pour vous, tandis que des millions de personnes ont voté pour que Trump soit leur entraîneur. Donc gardez votre avis politique pour vous-même et comme quelqu’un l’a déjà dit [Ingraham, en 2003, en l’occurrence], fermez-la et dribblez. »

Comme l’explique justement le Washington Post, ces remarques suivent une ligne directrice très précise dans le camp Trump, qui consiste à s’en prendre aux athlètes qui osent utiliser leur plateforme et leur célébrité pour véhiculer leurs idées et opinions opposées aux leurs.

« Je ne suis plus qu’un athlète »

James et Durant ont réagi chacun à leur tour. Sur Instagram, le premier a posté une photo de la phrase « Je ne suis plus qu’un athlète », tandis que le second a expliqué à USA Today trouver cette sortie raciste, notamment le fait que la présentatrice remette en cause son intelligence, ce dont elle se défend.

Laura Ingraham a bien tenté un coup médiatique en invitant LeBron James sur son plateau, mais le joueur ne lui a pas répondu. Il est simplement revenu en conférence de presse sur toute cette histoire, où il a assuré qu’il n’allait pas la fermer et dribbler.

« Je suis trop important pour trop de monde. Je suis trop important pour la société, je suis trop important pour les enfants, et pour certains qui ont le sentiment qu’ils ne pourront pas s’en sortir, et ils ont besoin de quelqu’un pour leur montrer le chemin pour s’en sortir. »

« Ils trouveront toujours un moyen de vous faire savoir que vous être mois bien qu’eux »

Le joueur de Cleveland semblait d’ailleurs avoir prédit les débuts de cette polémique dans l’interview à l’origine de cette polémique. Lorsqu’il y évoque l’épisode du tag raciste peint sur le portail sa villa de Los Angeles en mai dernier, on trouve une drôle de résonance avec les événements de ces derniers jours.

« Peu importe à quel point vous réussissez, combien d’argent vous gagnez, ou ce que vous devenez, en tant qu’homme ou femme Africain-Américain, ils trouveront toujours un moyen de vous faire savoir que vous être moins bien qu’eux. Vous pouvez alors faire deux choses. Abandonner ou passer outre et dire :’’Vous savez quoi ? Je vais repeindre ce foutu portail et je vais l’agrandir.’’ »

Autant dire que l’on n’est pas près de voir LeBron James la « fermer et dribbler ».