La pape François face à la curie romaine, le 15 février au Vatican. / HO / AFP

Le pape François s’efforce d’effacer l’impression désastreuse laissée par son voyage au Chili, en janvier, quant à sa gestion des affaires de pédo­philie dans l’Eglise catholique. Il a nommé, samedi 17 février, les membres de la nouvelle commission pontificale de protection des mineurs, chargée de le conseiller pour améliorer la prévention des agressions sexuelles dans l’Eglise et de conseiller les Eglises locales en la matière. Le mandat de la précédente commission avait expiré le 17 décembre 2017 et depuis, son avenir semblait en suspens.

Sept membres de la première commission ont été reconduits, neuf nouveaux les ont rejoints et sept sortants n’ont pas été retenus. Cette commission demeure présidée par le cardinal Sean O’Malley, archevêque de Boston. Le Vatican a précisé qu’ainsi constituée, la commission comprenait des victimes d’agressions sexuelles, mais n’a pas précisé qui, afin de les préserver. La précédente commission comprenait deux victimes. Le Britannique Peter Saunders avait été prié de suspendre sa présence en 2016. L’Irlandaise Marie Collins avait fini par démissionner en mars 2017, accusant une partie de la curie romaine, en particulier la Congrégation pour la doctrine de la foi, de traîner les pieds dans la lutte contre la pédophilie.

Rapport sans réponse

Mais ces nominations sont loin d’apporter toutes les réponses. Catherine Bonnet, une pédopsychiatre française qui faisait partie de la première commission et qui n’a pas été reconduite, juge « très ennuyeux » de constater que les propositions faites au pape par la première commission, au terme de trois ans de travail, n’ont jusqu’ici eu aucune réponse. Le 21 septembre 2017, la commission avait remis au pontife un rapport qui formulait plusieurs actions concrètes, comme la levée du secret pontifical en cas d’agression sexuelle pour permettre aux victimes d’être mieux informées, et l’abolition du délai de prescription. « Il n’y a pas eu de réponse. Pour moi, c’est un souci », explique-t-elle.

Elle regrette aussi que la commission sortante n’ait à aucun moment pu avoir de séance de travail avec le pape. « Nos propositions sont forcément complexes et délicates. Il est dommage que nous n’ayons pas eu l’occasion de les lui expliquer », ajoute-t-elle. Elle « espère qu’il y aura une certaine continuité et que la prochaine commission tiendra compte de ce qui a été fait ». Elle-même avait transmis au pape sa démission – que François a refusée – en juin 2017, faute d’avoir obtenu que la commission puisse lancer un appel public à témoignages auprès des victimes et de leurs associations, et que soit retenue l’obligation, pour les évêques et les supérieurs d’ordre religieux, de signaler les suspicions de violences sexuelles aux autorités.

Le même jour, samedi, Mgr Charles Scicluna, chargé par le pontife d’enquêter sur les accusations portées contre un évêque chilien par des victimes d’agressions sexuelles, a commencé ses auditions. Il s’est entretenu samedi, à New York, avec Juan Carlos Cruz, l’une des victimes du prêtre Fernando Karadima, un ancien formateur charismatique, reconnu coupable en 2011 par un tribunal du Vatican d’avoir agressé des jeunes qu’il formait dans les années 1980 et 1990.

Les « gauchistes » contre l’évêque

Juan Carlos Cruz et au moins deux autres personnes accusent Mgr Juan Barros d’avoir été au courant, et même témoin, de scènes d’agressions et d’avoir couvert ces faits, y compris après être devenu évêque, en 1995. François l’a nommé dans le diocèse d’Osorno début 2015 et il a accusé les laïcs et les membres du clergé qui protestent, depuis, contre cette nomination, d’être manipulés par des « gauchistes ».

« Ce fut une longue entrevue, difficile sur le plan émotionnel. Pour la première fois, j’ai le sentiment qu’on nous écoute », a commenté Juan Carlos Cruz, samedi, après avoir rencontré Mgr Charles Scicluna. Selon M. Cruz, la conversation a porté aussi sur le rôle qu’auraient joué d’autres évêques chiliens ainsi que deux cardinaux, Francisco Javier Errazuriz et Ricardo Ezzati, dans la protection de Fernando Karadima. Le cardinal Errazuriz est membre du conseil des neuf cardinaux dont s’est entouré le pape. Une longue lettre de témoignage, écrite par Juan Carlos Cruz, aurait été transmise à François par l’intermédiaire du cardinal O’Malley dans le courant de l’année 2015. Mgr Scicluna, qui préside un conseil du Vatican chargé d’examiner les recours de prêtres soupçonnés de délits graves, comme les viols sur mineurs, était attendu lundi au Chili, où il devait recueillir d’autres témoignages.