Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, à Athènes, le 8 février. / Petros Giannakouris / AP

Editorial du « Monde ». La Grèce est-elle enfin capable de voler de ses propres ailes ? Après huit ans d’austérité, qui se sont traduits par plusieurs centaines de réformes, exigeant de la part de la population des efforts et des sacrifices qu’aucun autre pays en Europe n’a eu à subir en temps de paix, Athènes aborde la dernière étape du plan d’aide décidé dans la douleur en août 2015.

Ce plan est le troisième, après ceux de 2010 et de 2011, transformant la Grèce en tonneau des Danaïdes de l’Europe, absorbant au total 346 milliards d’euros de prêts pour maintenir vaille que vaille son économie à flot et éviter au pays une sortie de l’euro. A Bruxelles comme à Athènes, personne ne veut entendre parler d’un quatrième plan. Mais après avoir été sous perfusion du mécanisme européen de stabilité, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international pendant huit ans, la Grèce peut-elle redevenir un membre de l’Union comme les autres, capable de se financer sur les marchés ? La partie est loin d’être gagnée.

Retour de la croissance

Du côté de la conjoncture, même si le pays est encore en convalescence, des signes d’amélioration apparaissent. Après neuf ans de recul continu de son PIB, qui a perdu un quart de sa valeur, la Grèce a enfin retrouvé la croissance en 2017, avec une progression de 1,6 %. Le rythme devrait encore s’accélérer en 2018 et 2019, avec une hausse de 2,5 %. Mais il est évidemment trop tôt pour parler de phénomène de rattrapage.

En fait, ces chiffres cachent d’importantes fragilités. L’accélération s’explique essentiellement par le rebond de l’ensemble de la zone euro, qui tire l’économie grecque, et par la reprise du tourisme. Mais l’investissement privé continue de reculer. Le secteur bancaire, plombé par les créances douteuses, n’étant toujours pas capable de financer l’économie.

Surtout, la dette publique, qui représente 177 % du PIB, reste à un niveau qui n’est pas soutenable. Certes, les agences de notation financière viennent de relever la note de la Grèce, mais celle-ci reste en catégorie spéculative.

Le rôle-clé de l’Allemagne

Aujourd’hui, un certain consensus se dégage au sein de l’Eurogroupe pour alléger la charge qui pèse sur le pays. S’il n’est pas question d’effacer d’un trait de plume les créances, les ministres des finances des Etats membres de la zone euro réfléchissent notamment à rallonger la maturité de la dette.

Les plus durs envisagent de conditionner ce rééchelonnement. Qu’il s’agisse de nouveaux efforts ou d’engagements fermes de la part d’Athènes à ne pas revenir sur les réformes imposées ces dernières années, les pays de la zone euro doivent rester mesurés dans leurs exigences. Jusqu’à présent, le premier ministre, Alexis Tsipras, avec un certain courage, a accepté de faire subir à son pays trois ans de rigueur supplémentaires, en contradiction complète avec ses promesses électorales. Son parti, Syriza, est aujourd’hui en perte de vitesse.

Fragiliser un peu plus le leadeur de la gauche radicale à un an de nouvelles élections législatives ne serait pas forcément un bon calcul pour la stabilité politique du pays. L’Allemagne, en tant que premier créancier de la Grèce, doit réfléchir à deux fois avant d’imposer de nouvelles conditions. Le départ du très rigoriste Wolfgang Schäuble du ministère allemand des finances à l’automne 2017 et la formation d’une nouvelle coalition intégrant les sociaux-démocrates doivent constituer une bonne occasion pour que la Grèce entrevoie enfin le bout du tunnel.