Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron ont effleuré du patin leur rêve de titre olympique. / MLADEN ANTONOV / AFP

Il est des instants de vie où, l’espace d’une fraction de seconde, le sort peut basculer dans le bon ou le mauvais sens. Lundi 19 février, dans le programme court, Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron avaient vécu leur « pire cauchemar » sur la glace de la Gangneung Ice Arena, quand un point du costume de la jeune femme avait cédé, dévoilant par instants un sein. Vingt-quatre heures plus tard, le duo français avait retrouvé la sérénité et a livré un programme libre de très haute volée.

En tête après leur passage, les deux jeunes gens n’avaient plus qu’à attendre la note des juges sanctionnant celui de Tessa Virtue et Scott Moir, leurs rivaux canadiens et partenaires d’entraînement, qui les avaient devancés la veille. « On savait que la manière dont ils patinaient allait influencer la couleur de notre médaille, confiait une Gabriella Papadakis, qui avait retrouvé le sourire. On venait de patiner merveilleusement bien, on avait fait tout ce qu’on pouvait faire. »

« On n’a jamais mieux patiné », abondait son partenaire. En dépit du meilleur programme libre de leur carrière (accompagné d’un record du monde), les deux Français s’inclinent sur un écart minime (205,28 points contre 206,07 points). Ils s’adjugent donc, à 22 et 23 ans, la médaille d’argent des Jeux de Pyeongchang, alors que Tessa Virtue et Scott Moir remportent un deuxième titre, après celui de Vancouver en 2010.

Signe de bienveillance

Ça s’est joué à rien. A un incident déconcentrant la danseuse française. A une succession de voltes qui ne s’enchaînent pas avec la perfection qui caractérise Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron depuis trois saisons. A « une sombre histoire de fermeture Eclair », résume Didier Gailhaguet, le président de la Fédération française des sports de glace (FFSG). Lundi, au tout début de leur programme court, un point du tour de cou de la patineuse qui retenait son costume a sauté. « Il y a de quoi être déçu », souffle le patron de la glace hexagonale.

« Les juges avaient choisi Gabriella et Guillaume sur le libre, un peu comme ils l’avaient fait sur le court, et c’est le plus frustrant, regrette Romain Haguenauer, l’entraîneur des Français et des Canadiens. Il y avait une reconnaissance de leur infime supériorité sur ces Jeux olympiques, mais le sort en a décidé autrement. » En dépit de l’accroc au costume, le couple clermontois avait échoué à seulement 1,74 point des Canadiens lundi, signe de la bienveillance des juges à son égard.

« On a eu de la chance d’être tombé l’un sur l’autre, car il y a toujours eu une bonne relation d’équipe entre nous. Et on a évolué assez harmonieusement »

Ces enfants de la glace – elle est la fille d’une entraîneuse de patinage, son père à lui dirigeait le club Auvergne-Clermont danse sur glace – sont quasiment « nés sur des patins », reconnaît Gabriella Papadakis, admettant « ne pas avoir trop eu le choix » au départ. C’est à la mère de la jeune fille qu’est revenue l’idée d’associer les deux jouvenceaux, qui glissaient dans la même patinoire. Une initiative dont ils se félicitent encore treize ans plus tard.

« On a eu de la chance d’être tombé l’un sur l’autre, car il y a toujours eu une bonne relation d’équipe entre nous, souligne Guillaume Cizeron. Et on a évolué assez harmonieusement. » « En danse sur glace, l’évolution des deux patineurs doit être la même, rappelle Romain Haguenauer, qui a accueilli le couple il y a neuf ans. Parfois on tombe sur deux jeunes super, et la fille devient géniale alors que le garçon n’évolue pas. » S’il a repéré leur énorme potentiel, l’entraîneur avoue avoir été surpris par « l’ascension assez fulgurante » de ses poulains. Surgis sur le devant de la scène alors qu’ils étaient à peine majeurs, les deux Clermontois ont rapidement étoffé leur palmarès. Double champions du monde (2015 et 2016) et quadruple champions d’Europe (2015, 2016, 2017 et 2018), il ne manque à leur armoire à trophées que le titre olympique.

Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis durant leur programme libre mardi 20 février à Pyeongchang (Corée du Sud) / LUCY NICHOLSON / REUTERS

Des résultats acquis au prix d’un travail de tous les instants, souligne Romain Haguenauer, qu’ils ont suivi à Montréal voici quatre ans, pour se professionnaliser. En 2015, peu de temps après leur premier titre de champion du monde, une commotion cérébrale de Gabriella Papadakis, consécutive à une chute, l’éloigne de la glace et manque de briser sa carrière. Après des mois de doute, le couple rechausse les patins et reprend sa marche en avant. Passant la majeure partie de leur temps ensemble, les deux jeunes gens – qui comparent leur relation à celle d’un frère et d’une sœur – essaient de « gérer [leurs] vies privées pour éviter que ça ne fasse trop », explique Guillaume Cizeron.

Avant leurs premiers Jeux, les deux danseurs confiaient leur « hâte de découvrir l’ambiance particulière du village olympique ». S’ils n’ont pas atteint ce « Graal de chaque athlète », selon l’expression de la jeune femme, qu’ils poursuivaient à Pyeongchang, ils l’ont effleuré du patin. A un fil du titre, en dépit de leur mésaventure du programme court et alors que Tessa Virtue et Scott Moir s’apprêtent à prendre leur retraite, le couple français a pris rendez-vous avec l’or olympique en 2022