Le Monde

La Ghouta orientale. Ce toponyme revient régulièrement dans l’actualité, avec son lot de morts et de catastrophes humanitaires. Ancien « poumon vert » de Damas, situé à l’est de la capitale de la Syrie, la Ghouta orientale est un fief rebelle qui fait, depuis 2013, l’objet d’un siège et de bombardements quasi quotidiens.

Aujourd’hui près de 400 000 personnes sont encore prises au piège dans cette zone. Plus de 200 personnes ont trouvé la mort en moins de trois jours dans les bombardements commandités par le régime de Damas, selon les chiffres donnés par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), mardi 20 février.

La population y résidant encore subit des privations de nourriture et de médicaments, le prix des denrées flambe. Cette situation touche, en particulier, les enfants, qui composent, selon l’Unicef, la moitié de la population de la zone. La situation est telle que l’ambassadeur français à l’ONU, François Delattre, parle d’un siège « digne du Moyen Age ».

Retour sept ans de guerre et de siège.

  • Mars 2011 : la guerre éclate

Quelque temps après la répression dans le sang de manifestations pro-démocratiques par le régime de Bachar Al-Assad, la guerre éclate en Syrie. Nous sommes en mars 2011 et une partie des opposants au président passe à la lutte armée, certains constituants l’Armée syrienne libre (ASL).

  • Juillet 2012 : la bataille de Damas

En juillet 2012, l’ASL lance, depuis la Ghouta orientale, la bataille de Damas. Cet ancien « poumon vert », qui offrait la plus grande étendue de vergers et de cultures près de la ville et où les habitants venaient pique-niquer le week-end, est alors régulièrement visé par des bombardements aériens et tirs d’artillerie du gouvernement, qui touchent marchés, écoles et hôpitaux et font de nombreuses victimes civiles.

  • 2013 : attaques chimiques

Le régime syrien qui garde le contrôle sur Damas assiège totalement la zone et ses habitants à partir de 2013. C’est au mois d’août de cette année que le conflit prend un nouveau tournant dans la zone avec des attaques chimiques dans les alentours de Damas.

En septembre 2013 les premières conclusions du rapport des experts onusiens ayant enquêté sur place ont commencé à être rendues publiques : il est question de « preuves flagrantes et convaincantes » de l’utilisation de gaz sarin lors du massacre du 21 août et de l’utilisation d’armes chimiques « sur une échelle relativement grande » au cours du conflit syrien.

Notre chronologie en 2013 : Syrie : le récit des tensions depuis l’attaque chimique de Damas

  • 2015 : pénurie de nourriture et de médicaments

Le siège de la zone rebelle se poursuit et des raids aériens réguliers font de nombreuses victimes parmi les civils. En février 2015, nous écrivions :

« La Ghouta orientale, principale région rebelle dans la province de Damas, subit depuis plus d’un an un siège impitoyable de l’armée. Dans ce secteur situé à l’est de Damas, des dizaines de milliers de civils sont affectés par les pénuries de nourriture et de médicaments. »
  • 2016 : l’ONU condamne la « tactique cruelle » du siège

En novembre 2016, le patron des opérations humanitaires de l’ONU déplore l’utilisation de la « tactique cruelle » du siège, « en particulier par le gouvernement syrien », qui y a recours pour forcer les rebelles à déposer les armes et les civils à se soumettre ou à fuir.

  • 2017 : une « zone de désescalade » bombardée quotidiennement

Depuis l’été 2017, la région est censée être une des « zones de désescalade », créées en vertu d’un accord entre la Russie, l’Iran – principaux soutiens du régime – et la Turquie qui appuie l’opposition. Ces zones devaient, en principe, aboutir à une diminution des combats.

Mais les bombardements restent quasi quotidiens. Des immeubles sont éventrés, des rues entières rendues inhabitables et les habitants vivent dans l’angoisse permanente. En représailles, les rebelles tirent régulièrement des obus sur Damas.

En 2017, l’ONU a condamné la « privation de nourriture délibérée de civils » comme une tactique de guerre, après la publication de photos « choquantes » d’enfants squelettiques dans la Ghouta orientale. Et l’Unicef a dénoncé la pire crise de malnutrition depuis le début de la guerre en 2011, avec 11,9 % des enfants de moins de cinq ans souffrant de sévère malnutrition, contre 2,1 % en janvier.

  • 5 février 2018 : une offensive aérienne sans précédent

Le 5 février 2018, le régime lance une offensive aérienne d’une intensité inédite sur la Ghouta orientale, faisant environ 250 morts parmi les civils et des centaines de blessés, en cinq jours. Ces derniers jours, l’armée a envoyé des renforts aux limites de la Ghouta orientale. « L’offensive [terrestre] attend juste le feu vert », selon l’OSDH.

Par ailleurs, le régime de Damas est soupçonné de mener des attaques chimiques depuis plusieurs semaines. Le 22 janvier 2018, l’OSDH a rapporté 21 cas de suffocation dans le quartier de Douma, des habitants et des sources médicales évoquant une attaque au chlore. Le 13 janvier, une attaque similaire avait visé la périphérie de Douma, selon l’OSDH, qui rapportait « sept cas de suffocation ». Le 5 février, l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley, a fait savoir qu’il y avait des « preuves évidentes » pour confirmer le recours à du chlore dans les attaques menées dans la Ghouta orientale.

Mardi 20 février, l’ONU a annoncé que six hôpitaux de la Ghouta orientale avaient été bombardés en quarante-huit heures, laissant trois de ces structures hors service et deux partiellement opérationnelles. L’OSDH impute ces frappes à l’aviation russe.

Nouvelle journée de bombardements meurtriers dans la Ghouta orientale, en Syrie