Les présidents français, Emmanuel Macron, et libérien, George Weah, avec les invités d’un déjeuner à l’Elysée, à Paris, le 21 février 2018. / STEPHANE MAHE / AFP

En visite à Paris pour demander l’aide de la France afin de relever son pays, George Weah n’a pas eu à fouiller bien loin dans sa mémoire pour décrire l’état du Liberia dont il vient de prendre les rênes. « J’ai hérité d’un pays ruiné, plombé par les malversations politiques. Quand je suis arrivé, en janvier, je n’ai trouvé que 53 dollars dans les caisses de la présidence », a-t-il raconté aux étudiants venus l’écouter, mardi 20 février, dans un amphithéâtre du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Certes, le budget de la présidence n’est pas celui du Liberia, mais l’ampleur de la tâche qui s’offre au nouveau président est abyssale dans un pays qui, lorsqu’il fut frappé par l’épidémie du virus Ebola, en 2014, relevait à peine la tête après les guerres civiles ravageuses des années 1990.

George Weah sait qu’il ne pourra pas s’en sortir seul. Pour son premier voyage officiel hors d’Afrique depuis son élection, fin décembre 2017, l’ancienne star du football a donc choisi de venir en France, du 20 au 23 février. Ce choix n’allait pas de soi pour un pays « traditionnellement tourné vers les Etats-Unis », rappelle-t-on à l’Elysée. Mais ce n’est pas non plus un hasard. « Si je suis aujourd’hui en France, a expliqué celui qui, au temps de sa gloire de footballeur, y résida entre 1988 et 1995, ce n’est pas parce que je n’ai pas d’autre pays où aller, mais parce que je crois que les relations bilatérales entre la France et le Liberia peuvent se renforcer sous ma présidence. »

Emmanuel Macron fut l’un des premiers à le féliciter après sa victoire électorale, lors d’un entretien téléphonique durant lequel il fut proposé à George Weah de venir en France. On reconnaît d’ailleurs la patte élyséenne dans l’organisation de cette visite. Tout particulièrement dans ce jeu de questions-réponses avec les étudiants du CNAM, rappelant celui d’Emmanuel Macron à l’université de Ouagadougou, il y a moins de trois mois, où il exposa sa vision des relations franco-africaines. « Nous voulons changer les choses », a-t-il répété à son homologue libérien.

Convaincre les patrons français

Au chapitre du renforcement des relations bilatérales, la marge de progression potentielle est incontestable. « Ces dernières années, nous ne faisions pas grand-chose au Liberia », a reconnu Emmanuel Macron lors du point de presse de mercredi à l’Elysée. A l’exception des groupes Bolloré, Total et Orange, les investisseurs français sont rares et la présence diplomatique faible.

Mercredi matin, George Weah s’est donc déplacé au Mouvement des entreprises de France (Medef) pour tenter de convaincre les patrons français de s’intéresser au Liberia, dont la production de richesses repose sur le caoutchouc, le minerai de fer, l’or et les diamants. « Nous avons des besoins dans tous les domaines », a-t-il expliqué, énumérant l’agriculture, la santé, les infrastructures, l’éducation. En retour, le Medef a rappelé combien sont importantes l’amélioration du climat des affaires, la stabilité des lois et de la fiscalité ainsi que la lutte contre la corruption. Autant de domaines dans lesquels la nouvelle équipe au pouvoir à Monrovia doit faire ses preuves.

En attendant que les projets ambitieux mûrissent, une première mesure « concrète à effet immédiat » a été prise par Paris. Le Liberia a été placé le 8 février sur la liste des pays prioritaires pour l’aide au développement. Une enveloppe de 10 millions d’euros de dons va être débloquée pour soutenir de premiers projets de développement. La France s’est également engagée à soutenir le Liberia dans ses négociations au Fonds monétaire international (FMI) et à plaider sa cause en Europe pour rassembler des financements.

Le sport comme outil de développement

L’ambition déclarée du chef de l’Etat français est d’établir de nouvelles relations avec les pays africains situés en dehors de l’espace francophone. Une des prochaines visites présidentielles sur le continent devrait ainsi le conduire en Ethiopie, seul pays africain à n’avoir jamais été colonisé. L’Angola, lusophone, est aussi à l’étude. Le Liberia, anglophone, se prête également à l’exercice.

Ce pays d’Afrique de l’Ouest, fondé aux XIXe siècle par des esclaves affranchis aux Etats-Unis, a un autre avantage aux yeux de Paris. « Cette visite nous offre le moment de concrétiser une initiative qui sort des sentiers battus, proposée par le président Macron dans son discours de Ouagadougou : utiliser le sport comme un instrument fort et dynamique de développement économique », explique-t-on à l’Elysée. « Ce n’est pas un gadget », assure-t-on. L’ancienne star du football issue des bidonvilles de Monrovia, politicien autodidacte devenu président, est un client idéal.

A l’issue d’un déjeuner à l’Elysée réunissant notamment des gloires du football – l’Ivoirien Didier Drogba et le Français Kylian Mbappé –, les présidents des Fédérations internationale (FIFA) et française (FFF) de football, le numéro deux de la puissante ligue américaine de basket-ball (NBA), le directeur général du FMI pour l’Afrique de l’Ouest et un représentant de la Banque africaine de développement (BAD), la présidence française a annoncé la création d’une plate-forme pilotée par l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique), assistée par la BAD, pour coordonner, mutualiser et participer aux financements des différents projets.

Dans un français approximatif mais communicatif, George Weah a comme souvent utilisé l’image sportive pour transmettre, en conclusion, les espoirs qu’il place dans son pays : « Le Liberia ne compte qu’un seul stade de football et j’ai reçu le Ballon d’or, construisons-en cinq et nous serons champions du monde ! » Une autre façon de dire : venez investir au Liberia, vous ne serez pas déçus.