De jeunes vaches vendues aux enchères, à Bitburg, en Allemagne, en octobre 2015. / Nikita Teryoshin

Fin janvier, la BBC a révélé une initiative inattendue : la Fondation Bill et Melinda Gates a adressé un chèque de 40 millions de dollars (32 millions d’euros) à l’Alliance vétérinaire mondiale pour le bétail (GALVmed), située en Ecosse, spécialisée dans la recherche sur les vaccins et la génétique. Le but : créer une vache « quatre fois plus productive avec la même espérance de vie », a expliqué l’homme d’affaires américain dans un discours à l’université d’Edimbourg. Une vache qui, parce qu’elle serait aussi capable de résister à de fortes chaleurs, pourrait contribuer à lutter contre la malnutrition en Afrique, l’un des combats du fondateur de Microsoft.

En tant que telle, l’idée n’est pourtant pas révolutionnaire. Voilà déjà des années que la science est venue donner un coup de pouce à l’industrie laitière pour que celle-ci puisse augmenter ses capacités de production. Par exemple, en permettant de donner naissance à des vaches sans cornes (hornless cows). « Hornless Heritage », c’est précisément le titre de la récente série photographique de Nikita Teryoshin, qui s’est plongé dans le monde de l’industrie laitière allemande.

Débutée au salon Agritechnica de Hanovre, en 2014, l’enquête a duré trois ans. Trois ans pendant lesquels le photographe, né en 1986 en URSS, diplômé de l’université des sciences appliquées de Dortmund, où son travail a été supervisé par le photographe allemand Wolfgang Zurborn et le professeur Dirk Gebhardt, et installé aujourd’hui à Berlin, a sillonné plusieurs Länder allemands pour aller à la rencontre de ces « turbo-vaches », comme on les appelle parfois.

« J’ai été impressionné par le degré de robotisation de la production. Je n’imaginais pas toutes ces machines. »
Nikita Teryoshin

Il savait déjà, bien sûr, que les photos qu’il allait réaliser n’auraient « rien à voir avec celles des publicités qui nous font croire que le lait que nous buvons est produit par des vaches qui paissent tranquillement dans des prés sur fond de collines verdoyantes ». Il n’imaginait pas, toutefois, le niveau de technicité atteint par l’industrie laitière aujourd’hui. « J’ai été impressionné par le degré de robotisation de la production. Je n’imaginais pas toutes ces machines. On est là dans un univers ultramoderne où tout est fait pour essayer de produire toujours plus. » D’où ces vaches sans cornes : « Comme ça, elles ne se blessent pas les unes les autres, ça fluidifie la chaîne de production. »

Nikita Teryoshin l’assure, son projet ne vise pas à « dénoncer » un système, juste à « montrer » une réalité. Et à rappeler que, si une vache produit aujourd’hui environ 8 000 litres de lait chaque année (trois fois plus qu’en 1950), il n’y a pas de hasard. Une réalité qui n’est pas, cependant, la norme. « Il existe des alternatives, des modèles de production plus respectueux des animaux, où ceux-ci ont davantage d’autonomie. C’est aux gens de choisir ce qu’ils veulent consommer », dit-il, même s’il reconnaît que, pour sa part, ce reportage lui a coupé toute envie de boire du lait.