Le Tchad est enfin parvenu à renégocier sa dette colossale auprès de Glencore, société anglo-suisse de négoce en matières premières. Le résultat des discussions menées depuis huit mois a été annoncé mercredi 21 février : la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) obtient une période de grâce de deux ans ; la maturité de la dette, d’un montant de 1,36 milliard de dollars (1,10 milliard d’euros), passe de dix à douze ans ; et le taux d’intérêt, calculé à partir de l’indice Libor, est ramené de 7,5 % à 2 %. Cet accord, souligne le communiqué publié par le ministère des finances, « sanctuarise l’approvisionnement en brut de la raffinerie de N’Djamena » et donc la fourniture d’énergie et d’électricité. Aucune contrepartie n’aurait été concédée à Glencore, selon un proche du dossier.

En 2014, la SHT avait contracté un prêt de 1,4 milliard de dollars pour racheter la participation de l’américain Chevron dans le consortium composé avec ExxonMobil et Petronas pour l’exploitation des champs pétroliers de Doba, dans le sud du pays. Le remboursement de cet emprunt était assis sur les revenus pétroliers, dont le montant s’est brutalement effondré, la même année, avec le retournement des cours du brut sur les marchés internationaux.

La dette du pays s’est alors envolée pour atteindre 45 % du produit intérieur brut (PIB), contre 30 % trois ans plus tôt. N’Djamena s’est alors rapidement trouvé dans l’incapacité d’honorer ses échéances et Glencore, conformément au contrat signé, a commencé à se rembourser directement sur la commercialisation du brut tchadien.

Austérité et mauvaise gouvernance

Privé de sa principale source de revenus, le gouvernement a adopté un drastique plan d’économies en sollicitant dans le même temps un nouveau soutien du Fonds monétaire international (FMI), qui a été formalisé en juin 2017 avec la signature d’une facilité élargie de crédit de 312 millions de dollars. Un peu moins de 50 millions de dollars ont été versés dans la foulée, mais la deuxième tranche de décaissement était suspendue à un accord avec Glencore.

Le communiqué publié mercredi prend soin de préciser que « les conditions de l’accord sont en parfaite conformité avec les paramètres du programme conclu avec le FMI ». Il n’y a donc a priori plus d’obstacles au versement des nouvelles aides budgétaires attendues de la part de l’institution financière internationale, mais aussi de la Banque mondiale et de l’Union européenne.

Cette bouffée d’oxygène permettra-t-elle de trouver une solution à la grave crise sociale que traverse le pays ? La grève générale engagée fin janvier dans la fonction publique pour protester contre la réduction de moitié des indemnités et primes des fonctionnaires se poursuit. Les marches pacifiques contre l’austérité et la mauvaise gouvernance organisées à l’appel des syndicats, des partis d’opposition et des organisations de la société civile ont été interdites. Cinq partis restent suspendus d’activité et Alain Kemba Didah, l’un des porte-paroles du mouvement citoyen Iyina (« On est fatigué » en arabe), a été arrêté lundi.

Le ministre des finances, Abdoulaye Sabre Fadoul, n’a pas voulu donner libre cours à de faux espoirs. Les recettes attendues de la restructuration de la dette de Glencore « sont déjà prises en compte dans la loi de finances 2018 », a-t-il indiqué. Si l’accord avec Glencore enlève une grosse épine du pied du gouvernement, il lui reste maintenant à trouver les moyens de déminer un mécontentement social généralisé.