L’histoire de Cunningham tient en quelques mots : naissance au Pérou en 1913 d’un père marin écossais et d’une mère péruvienne, mort précoce de celle-ci, dépression à partir de 19 ans, diagnostic de schizophrénie et internement à 28, trente-deux ans d’hôpital psychiatrique à Lima, treize dans un institut religieux, mort en 1991. Il reste des poèmes de sa main, assez obscurs, et surtout des gouaches sur papier des années 1960. On y reconnaît des cartes du monde, des hommes à long nez et chapeau haut de forme, des sapins, des étoiles, des oiseaux, des éléphants, des félins étirés et des créatures cornues ou couronnées. On y lit des noms de continents, de pays ou d’hommes politiques et des mots – « miséricorde », « esprit saint », « bolchevique ». Les pictogrammes sont disproportionnés les uns par rapport aux autres, les corrélations entre figures et mots insaisissables. On dirait des bribes de géographie et d’histoire en désordre. Mais les gestes sont précis, les couleurs légères, les calligraphies fluides. Ces planisphères chaotiques sont de la poésie. C’est la première fois qu’ils sont montrés car les collections psychiatriques latino-américaines commencent à peine à être explorées.

« Otro mundo ». Galerie Christian Berst Art Brut, 3-5, passage des Gravilliers, Paris 3e. Du mardi au samedi, de 14 heures à 19 heures. Jusqu’au 3 mars. christianberst.com