Réunion des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’UE, à Bruxelles, le 23 février 2018. / LUDOVIC MARIN / AFP

Les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays de l’Union européenne (sans le Royaume-Uni) se réunissent, vendredi 23 février, à Bruxelles, pour débattre du principe des Spitzenkandidaten (têtes de liste) aux élections européennes de mars 2019. Il s’agit d’un mode de désignation du (de la) président(e) de la Commission européenne que le Parlement de Strasbourg a su habilement imposer aux dirigeants de l’Union lors des élections européennes de 2014.

  • Primaires internes

La plupart des familles politiques nationales sont rattachées à des partis européens, au sein du Parlement de Strasbourg. Les Républicains sont membres du Parti populaire européen (PPE), le Parti socialiste des sociaux-démocrates européens (PSE) et les centristes de l’ALDE (Alliance des libéraux et démocrates pour l’Europe). En 2014, chaque liste nationale était « parrainée » par le candidat européen : Jean-Claude Juncker pour le PPE, Martin Schulz pour le PSE et Alexis Tsipras pour la gauche radicale européenne.

Les eurodéputés souhaitent réitérer cette opération pour le scrutin de 2019. Leur message ? Présenter comme une avancée démocratique l’idée qu’un des postes les plus stratégiques de l’Union revienne, à l’issue de primaires internes, à l’un des candidats désignés par les partis européens. Ils espèrent aussi que cela favorise la mobilisation des électeurs, pour un scrutin enregistrant des records d’abstention dans les pays membres, en leur permettant de voter pour la tête de l’exécutif européen.

  • Les réticences des Etats

Les dirigeants de l’Union, qui jusqu’à présent choisissaient une personnalité à huis clos, n’ont pas goûté la manœuvre en 2014. Angela Merkel, qui s’inquiète d’un dispositif empêchant de désigner un chef d’Etat ou de gouvernement en exercice, s’était fait piéger par le débat interne – très vif – sur les Spitzenkandidaten en Allemagne, et avait finalement dû favoriser la désignation de Jean-Claude Juncker comme tête de liste du PPE (aux dépens du Français Michel Barnier).

Aujourd’hui, ces dirigeants apprécient toujours aussi peu un processus qui risque de leur lier les mains. Ils refusent toute automaticité dans la désignation du Spitzenkandidat, et, de fait, le traité de Lisbonne ne les oblige en rien à s’y plier, puisqu’il se contente d’indiquer qu’ils désignent le président de la Commission « en tenant compte du résultat des élections » européennes.

  • Une avancée démocratique

Mais il est difficile pour les dirigeants européens de s’inscrire en faux contre une avancée démocratique : jeudi 22 février, la chancelière allemande a soutenu ce processus du bout des lèvres, estimant qu’il « reste complexe, mais qu’en désignant des candidats têtes de liste il donne plus de visibilité [aux élections] ». Le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, fait, quant à lui, parti des rares à avoir ouvertement pris position pour le Spitzenkandidat.

Emmanuel Macron ne l’a pas publiquement dénoncé, mais réclamait que lui soit adjoint le principe de listes transnationales pour les Européennes de 2019. Il a reçu peu de soutien de ses pairs, et l’idée a été sèchement repoussée par le Parlement européen au début de février. N’ayant toujours pas adhéré à un des partis politiques transnationaux ni encore décidé du lancement d’un En Marche européen, le président français n’est pas le mieux placé pour peser dans la désignation du (de la) futur(e) président(e) de la Commission.