Les Français lors du match face à l’Irlande, le 3 février. / REGIS DUVIGNAU / REUTERS

Le XV de France comptait sur la passion du Stade-Vélodrome. Celle-ci aussi semble quelque peu émoussée. L’affluence attendue à Marseille devrait être mince. La Fédération française de rugby (FFR) espère à peine dépasser le cap de 50 000 spectateurs pour le match contre l’Italie, troisième rendez-vous du Tournoi des six nations 2018, vendredi 23 février (à partir de 21 heures). C’est peu, pour un stade qui peut contenir jusqu’à 67 000 personnes.

C’est très peu, même, si l’on considère seulement les places vendues. Par la voix de son trésorier, Alexandre Martinez, la FFR explique avoir distribué gratis « 4 000 places en fin de semaine dernière ». Selon nos informations, le nombre d’invitations réellement offertes correspond plutôt au double. Des places surtout destinées aux jeunes rugbymen du comité de Provence. Toujours pratique pour sauver un peu les apparences et garnir les gradins.

« Ça me fait toujours de la peine, un stade qui n’est pas rempli »

« Ça me fait toujours de la peine, un stade qui n’est pas rempli », concède Alexandre Martinez. L’élu fédéral explique en partie la faible affluence de ce soir par un créneau « un peu particulier » (21 heures un vendredi) qui dépend des organisateurs du Tournoi des six nations. A sa décharge, la FFR pourrait aussi rappeler que la perspective de voir jouer l’Italie a rarement déchaîné les foules.

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Le précédent France-Italie à domicile avait attiré à peine 64 000 spectateurs, dans un Stade de France qui pouvait pourtant en accueillir plus de 78 000. Une faible affluence à relativiser, cependant, vu le contexte anxiogène de l’époque : ce jour-là se tenait le premier match dans l’enceinte de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) après les attentats du 13 novembre 2015.

Le mal est trop profond pour se borner à l’Italie. Il y a plus étonnant, plus alarmant encore. En novembre 2017, la défaite en test-match contre l’Afrique du Sud au Stade de France enregistrait une affluence historiquement basse : un peu plus de 55 000 spectateurs… dont près de 18 000 invitations, précisent nos sources. Un taux record, à plus forte raison pour une réception des « Springboks » sud-africains.

Des invitations à foison

Côté FFR, Alexandre Martinez évoque plutôt le nombre – déjà considérable – « 12 000 invitations » offertes pour ce match. Sans inclure dans ses calculs les places offertes par la FFR aux spectateurs qui avaient acheté un billet pour le match France-Japon prévu à Lille, mais finalement organisé à Nanterre (Hauts-de-Seine).

France-Japon (23-23), justement, fut également un four. Pour le premier match de rugby joué sur la pelouse synthétique de la U Arena, 25 000 billets ont été édités, selon le site Internet de la FFR. Le stade avait pourtant la capacité d’accueillir 32 000 spectateurs. Précision utile : en tribunes, 10 000 personnes ont là encore fait le déplacement sur une gracieuse invitation de la « fédé »…

De telles invitations ont toujours fait partie du jeu. Mais leur nombre varie sensiblement selon l’adversaire des Bleus et, par voie de conséquence, selon les recettes escomptées de la billetterie. Au cours de ce même mois de novembre 2017, le prestige de la Nouvelle-Zélande a permis à la FFR de jouer deux matchs à guichets fermés ou presque. Raison pour laquelle la « fédé » a retrouvé des standards plus habituels, et donc moins généreux : un moins de 3 000 invitations pour le premier match contre les « All Blacks », au Stade de France, puis environ 2 000 pour le second, à Lyon.

Les tribunes désertées contre l’Afrique du Sud et le Japon s’expliquent aussi par une faille logistique. Les billets pour la tournée automnale ont seulement été mis à la vente durant l’été 2017, le temps d’attendre que la FFR renouvelle sa convention avec le consortium du Stade de France. Les années précédentes, les billets pour les tournées d’automne avaient été commercialisés dès le mois de mars, sitôt achevé le Tournoi des six nations.

Désamour du public

Les explications vont plus loin qu’une simple question de calendrier. Le désamour du public pour le XV de France tient autant à une disette sportive qu’à une crise extrasportive. Toujours pas la moindre victoire des Bleus depuis onze mois : huit défaites et un match nul. Triste passif pour une sélection qui disputera dans un an seulement la Coupe du monde au Japon, après avoir déjà sombré contre les Néo-Zélandais en quarts de finale de l’édition 2015.

Au-delà des terrains, la situation du rugby fait également peu envie dans les coulisses. Le parquet national financier enquête toujours sur des soupçons de favoritisme visant Bernard Laporte. Elu président de la « fédé » en décembre 2016, le dirigeant est soupçonné d’avoir aidé en championnat le club de Montpellier, propriété du dirigeant Mohed Altrad, avec lequel il avait signé un contrat personnel.

En l’espace d’un an, selon une étude de l’institut de sondage Odoxa publiée en février pour RTL*, la popularité du XV de France a dégringolé de 29 points auprès de la population française. L’enquête attribue cette mauvaise opinion aux déboires sportifs (60 %), mais aussi à ce climat d’affaires hors du terrain (40 %).

Une mauvaise opinion que le récent déplacement des Bleus en Ecosse a accentuée, il y a deux semaines, sur fond de troisième mi-temps terminée pour certains d’entre eux par une audition dans les locaux de la police écossaise comme témoins potentiels à la suite du signalement d’une agression sexuelle.

*Sondage mené les 13 et 14 février sur Internet auprès d’un échantillon de 988 personnes âgées d’au moins 18 ans, selon la méthode des quotas.