Documentaire sur Arte à 23 heures

Jubilatoire dans sa forme, passionnant dans ses propos, ce documentaire s’attache à reconsidérer la musique disco sous son angle européen. Pendant cinquante-deux minutes, les témoignages précieux (arrangeurs, musiciens de studio, producteurs, DJ) alternent avec des extraits d’une vingtaine de tubes mondiaux, nous montrant ainsi à quel point ont compté les apports de musiciens et de producteurs européens à cette musique dansante dont la plupart des pépites ont été enregistrées non pas dans des studios new-yorkais ou californiens, mais bien à Munich, Francfort, Stockholm, Paris, Bruxelles ou Milan.

Du mythique producteur Giorgio Moroder à Donna Summer en passant par Marc Cerrone et beaucoup d’autres acteurs de la scène disco, on assiste à la naissance de tubes, à l’évolution d’un style musical plus complexe que prévu, et à des histoires étonnantes. Comme ces arrangeurs français séduisant l’Amérique ou ces producteurs allemands pulvérisant les frontières avec des tubes calibrés qui font se trémousser la planète. Sans oublier des Suédois touchés par la grâce qui, avec ABBA, cisèlent des chansons irrésistibles. Boum, boum, le disco ? Pas seulement.

La choriste Donna Summer

L’Europe, terre de prédilection du disco, puisque tout commence à Munich, en 1975. A l’époque, les bases militaires américaines en RFA programment des émissions de radio avec beaucoup de musique noire made in USA. Un duo germano-hongrois fonde un pseudo-groupe baptisé Silver Convention, et Fly, Robin, Fly, ­produit par Harold Faltermeyer, devient un succès.

A Munich, ­Giorgio Moroder et son complice Pete Bellotte décident de se ­lancer : dans leur studio baptisé Music Land, ils tentent un coup avec une choriste américaine­­ arrivée à Munich avec la troupe de la comédie musicale Hair. Elle ­s’appelle Donna Summer. Le coup d’essai se transforme en coup de maître : Love to Love You Baby fait un tabac. Un phénomène nouveau va, en outre, bousculer l’industrie musicale : pour la première fois, les radios perdent de leur pouvoir prescripteur en matière d’achat de disques au profit des clubs et boîtes de nuit, où le disco va régner dans le monde entier jusqu’au début des années 1980.

« Le beat disco a l’air très simple quand tu l’écoutes. Mais c’est un des plus difficiles à faire. Il faut que cela ressemble à une machine, mais que cela groove en même temps. Il y a d’excellents batteurs qui sont incapables de jouer du disco », souligne le batteur et DJ Simon Le Saint. Une bonne ligne de basse et surtout une batterie sans pitié (quatre coups de grosse caisse à chaque mesure), tels sont les ingrédients de base d’une bonne recette disco.

Donna Summer - Love to love you baby 1976
Durée : 03:06

L’apparition des synthétiseurs, à la fin des années 1970, va permettre au genre de perdurer encore quelque temps. Parfois, une simple idée permet à une vieille chanson de devenir un tube planétaire. Comme en 1976, lorsqu’un vrai-faux groupe baptisé Boney M et produit par l’Allemand Frank Farian reprend Sunny, jolie ballade que chantait en douceur, dans les années 1960, l’Américain Bobby Hebb. « Je me suis dit : la mélodie est belle, on va la jouer deux fois plus vite », se rappelle Frank Farian, qui faisait la basse, la batterie… et la voix du (faux) chanteur noir de Boney M.

Le disco donnera aussi naissance à des films à succès (Saturday Night Fever en 1977, Thank God It’s Friday en 1978) avant de laisser place à d’autres styles musicaux. Dernier méga-tube du genre produit en Europe ? Sans doute le Born to Be Alive du Français Patrick Hernandez, produit en Belgique en 1979. Un titre vendu à plus de vingt millions d’exemplaires.

Disco Europe Express, d’Olivier Monssens (France-Belgique, 2017, 52 min).